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nouvelle doctrine ; c’est ainsi que les chiites musulmans attendent le retour d’Ali. Un des disciples de Judghan, Mouschka, voulut propager les idées de son maître par les armes ; mais, parti de Hamadan avec ses partisans, il fut arrêté et tué, probablement par les musulmans, avec dix-neuf de ses compagnons, aux environs de Koum (à l’est de Hamadan et au sud de Téhéran).

Jehuda Judghan cherchait surtout à introduire des mœurs ascétiques parmi les Juifs, il fut plutôt un chef de secte qu’un philosophe religieux. Un autre caraïte de cette époque, Benjamin ben Mosé, de Nahavend (vers 800-820), se préoccupa, au contraire, de faire connaître à ses coreligionnaires la philosophie religieuse des motazilites ; il n’était pas seulement choqué des images matérielles sous lesquelles la Bible représente Dieu, il rejetait même la Création et la Révélation. Il lui semblait étrange que le pur esprit ait créé le monde et ait été en contact avec la matière, qu’il soit venu s’établir dans un espace limité, sur le Sinaï, et ait fait entendre des sons articulés. Pour concilier sa conception supérieure de l’Être divin avec la doctrine de la révélation, il émit une opinion, déjà exprimée avant lui : selon lui, Dieu n’a créé lui-même, directement, que le monde des esprits et les anges, le monde matériel a été créé par un des anges, Dieu n’est donc qu’indirectement le créateur de l’univers. De même, la révélation et les inspirations des prophètes ne sont pas émanées directement de Dieu, mais d’un ange. Les disciples de Benjamin Nahavendi furent, on ne sait pourquoi, considérés comme une secte particulière des caraïtes et désignés sous le nom de Makarijites ou Magharijites.

Si, par sa philosophie religieuse, Benjamin s’écarta bien loin de la conception que ses contemporains avaient du judaïsme, il se rapprocha, pour la pratique, de la doctrine des rabbanites, admettant un grand nombre de lois talmudiques et en ordonnant l’accomplissement aux caraïtes. Il établit même chez les caraïtes une excommunication qui différait peu de l’excommunication rabbanite. Un accusé ne se présentait-il pas devant le tribunal ou refusait-il de se soumettre à la sentence prononcée contre lui, il était maudit pendant sept jours et puis excommunié. Aucun membre de la communauté ne pouvait alors communiquer avec lui, ni le saluer,