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armateurs, et où ils n’avaient à subir ni tracasseries, ni vexations, les Juifs s’établirent dans plusieurs régions de l’Allemagne. On les trouve en grand nombre, au (ixe siècle, dans les villes de Magdebourg, Mersebourg et Ratisbonne. De là, ils se répandirent jusque dans les contrées habitées par les Slaves, au delà de l’Oder, jusqu’en Bohème et en Pologne. Malgré ses sentiments de justice et son esprit éclairé, Charlemagne ne put cependant pas s’élever complètement au-dessus des préjugés de son époque, et il maintint la distinction qui existait entre les chrétiens et les Juifs en imposant à ces derniers une formule spéciale de serment. Quand les Juifs comparaissaient en justice comme témoins ou plaignants contre un chrétien, ils ne pouvaient prêter serment qu’entourés d’épines, tenant de la main droite le rouleau de la Loi et appelant sur eux, en cas de parjure, la lèpre de Naaman et la mort de Coré et de sa faction ; faute d’un exemplaire hébreu de la Thora, ils pouvaient prêter serment sur une Bible latine.

En Orient également, les Juifs firent, au commencement du (ixe siècle, la triste expérience que les meilleurs d’entre les souverains se montraient injustes à leur égard. On considère le règne de Haroun-ar-Raschid et de ses fils comme la période la plus heureuse du khalifat en Orient. Et cependant, sous ces monarques réputés pour leur esprit de justice et de générosité, les Juifs furent opprimés. Il est possible qu’ils ne subirent que le contrecoup des persécutions dirigées contre les chrétiens et qu’ils ne furent obligés par Haroun-ar-Raschid (807) d’attacher, comme marque distinctive, un morceau d’étoffe jaune à leurs vêtements que parce que les chrétiens étaient condamnés à y mettre un morceau d’étoffe bleue. Quand, après la mort d’Haroun (809), ses deux fils Mohammed Alemin et Abdallah Almamoun, dont chacun avait reçu en partage une moitié de l’empire, se firent la guerre, les souffrances des Juifs de la Palestine furent telles qu’un prédicateur déclara que des épreuves aussi douloureuses annonçaient sûrement la venue du Messie : « À la fin des temps, dit-il, deux frères régneront sur les Ismaélites (les musulmans) ; à cette époque, le rejeton de David refleurira et le maître des cieux fera naître un royaume qui ne disparaîtra plus jamais… Dieu exterminera les fils d’Ésaü (Byzance), ennemis d’Israël, ainsi que les enfants d’Is-