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Il est probable que les circonstances relatées dans ce récit sont en partie légendaires, mais le fait même de la conversion est confirmé par divers documents. L’exemple du chagan fut suivi par les grands d’abord, au nombre d’environ quatre mille, et ensuite par le peuple. Dans les premiers temps, le judaïsme n’agit sans doute que très peu sur les mœurs et les sentiments des Khazars. Un des successeurs de Boulan, qui portait le nom juif d’Obadia, prit la chose plus au sérieux, il appela des savants juifs auprès de lui, éleva des synagogues et des écoles, se fit instruire ainsi que son peuple dans la Bible et le Talmud et introduisit le culte juif dans son pays. Une preuve de l’influence remarquable du judaïsme sur l’esprit des Khazars, c’est que ceux qui étaient restés païens continuaient à vendre leurs enfants comme esclaves, tandis que les Khazars juifs s’en abstenaient. Après Obadia, régna encore une longue série de chagans juifs. Ces rois se montraient très tolérants envers leurs sujets non juifs, ils avaient institué un tribunal supérieur composé de sept juges, dont deux juifs, deux musulmans, deux chrétiens et un païen. Chaque habitant était jugé d’après les lois particulières de sa religion.

On ignorait d’abord, parmi les Juifs, qu’un puissant royaume s’était converti au judaïsme. Peu à peu, se répandit une vague rumeur que loin, bien loin, derrière les montagnes obscures, demeuraient des adorateurs du vrai Dieu, des hommes pieux, descendants d’Abraham, appartenant à la tribu de Siméon et à la moitié de la tribu de Manassé, et qui étaient les suzerains de vingt-cinq peuplades.

Vers la même époque, dans la deuxième moitié du (viiie siècle, les Juifs d’Europe commencèrent à sortir de l’obscurité qui les enveloppait depuis de si longues années. Quoique Charlemagne, le créateur de l’empire germano-franc, protégeât l’Église et aidât à établir en Europe la suprématie de la papauté, il avait l’esprit trop large pour partager les préjugés du clergé à l’égard des Juifs. Contrairement aux lois ecclésiastiques et aux dispositions des conciles, il se montra favorable aux Juifs de son empire et utilisa l’intelligence remarquable de l’un d’entre eux, qu’il chargea d’une mission en Syrie et qui importa dans l’empire franc les produits de l’Orient. Jusque-là, on châtiait les Juifs qui