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Ils considéraient également Mahomet comme un prophète, qui, pas plus que Jésus, n’avait voulu abolir la Thora.

Les partisans d’Anan prirent le nom d’ananites ou caraïtes (Karaïm, Karaïmen, Benê Mikra) et donnèrent à leurs adversaires le sobriquet de rabbanites, c’est-à-dire qui croient aux autorités. L’animosité entre les deux partis fut, à l’origine, extrêmement violente, les chefs des deux académies excommunièrent naturellement et exclurent du judaïsme le novateur et ses adeptes. Ceux-ci, de leur côté, évitaient toute alliance, toute relation avec les rabbanites, ne s’asseyaient pas à leur table et ne leur rendaient pas visite le sabbat, parce qu’au point de vue caraïte ils profanaient la sainteté de ce jour. Les rabbanites traitaient leurs adversaires d’hérétiques (minim, apikorsim), parlant contre eux du haut de la chaire et ne les admettant pas à la prière. Les caraïtes ne ménageaient pas non plus leurs injures aux deux écoles de Sora et de Pumbadita, ils leur appliquèrent l’allégorie, imaginée par le prophète Zacharie, des deux femmes qui transportent le péché dans un boisseau à Babylone et y élèvent une demeure pour lui : Les deux femmes représentent les deux résidences des gaonim à Sora et à Pumbadita. » Cette comparaison outrageante, dont le premier auteur était sans doute Anan, se perpétua parmi les caraïtes, ils ne désignèrent plus les deux académies que sous le nom des « deux femmes ».

Ainsi, pour la troisième fois, la race juive était divisée en deux partis ennemis. Rabbanites et caraïtes se combattaient comme autrefois Israël et Juda et, à l’époque du second temple, pharisiens et sadducéens. De nouveau, Jérusalem, si souvent témoin de déchirements intérieurs, devint le théâtre d’une lutte fratricide. — Anan fut nommé exilarque des caraïtes, et cette dignité devint héréditaire dans sa famille.

Le souvenir d’Anan resta en grand honneur parmi les caraïtes, qui consacrèrent à sa mémoire, pendant l’office du sabbat, une formule spéciale de prière, ainsi conçue : « Que l’Éternel ait en sa miséricorde le prince Anan, l’homme de Dieu, qui a aplani la route vers la Thora, a éclairé les yeux des caraïtes, a éloigné du péché un grand nombre de ses frères et nous a montré le bon chemin. Que le Seigneur lui assigne une bonne place parmi les