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aliments chauds, de tenir allumés du feu ou de la lumière, il introduisit ainsi chez les caraïtes l’habitude de rester dans l’obscurité le soir du sabbat. Il aggrava aussi les lois alimentaires et ajouta de nouveaux cas à la classe des unions prohibées, il défendit le mariage entre oncle et nièce et entre frères et sœurs de lits différents. Que signifiait alors, devant ces exagérations, l’abolition de quelques pratiques, telles que l’usage de mettre des phylactères, de fumer un bouquet avec certaines plantes (loulab, etc.) à la fête des Cabanes, de célébrer les victoires des Asmonéens par des illuminations, et autres préceptes de ce genre ? Dans son zèle à combattre le Talmud, il composa un nouveau Talmud plus sévère que le premier ; sous son inspiration, la vie religieuse prit un caractère sombre, sans élévation et sans poésie. Les prières traditionnelles, dont quelques-unes remontaient à l’époque du second temple, furent proscrites, ainsi que les nouvelles compositions des Païtanim, elles furent remplacées par des textes tirés de la Bible. Comme, de son temps, les Juifs avaient encore, dans les pays musulmans, leur juridiction particulière, il étendit ses réformes au droit civil juif. Il déclara que, contrairement au texte biblique, les fils et les filles devaient recevoir une part égale de l’héritage paternel ; il dénia, par contre, au mari le droit d’hériter de sa femme.

L’agitation créée par Anan donna une impulsion considérable à l’étude de la Bible, mais le temps n’était pas encore mûr et le réformateur lui-même n’était pas un esprit assez puissant pour produire une exégèse saine et indépendante. Le fondateur du caraïsme, qui raillait tant les arguties des talmudistes, avait recours, comme eux, à des interprétations forcées et à des subtilités pour justifier les pratiques qu’il établissait. En résumé, en repoussant la tradition, Anan donna à sa doctrine une base fragile et étroite et en écarta toute poésie et toute grandeur.

Anan et ses partisans s’en référaient, dans leur opposition au Talmud, au fondateur du christianisme. Selon eux, Jésus fut un homme pieux et juste, qui n’avait jamais eu l’intention de se faire reconnaître comme prophète et de substituer une autre religion au judaïsme, son but était seulement de maintenir en vigueur les lois bibliques et d’abroger les pratiques instituées par les hommes.