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aussi parce qu’elles émanaient de personnes inconnues, sans grande valeur morale et sans autorité. Mais on pouvait prévoir facilement que le jour où, au lieu de naître dans un cercle restreint et situé à l’écart, l’agitation antitalmudique se produirait au centre de la vie juive et sous l’inspiration d’un personnage officiel, elle prendrait une grande extension et aurait des conséquences considérables.

À la mort de l’exilarque Salomon, décédé (vers 761), ce semble, sans laisser d’enfant, la dignité dont il avait été revêtue devait revenir à son neveu Anan ben David. On sait peu de chose de cet homme, qui laissa une trace si profonde dans l’histoire juive. Représenté par ses partisans comme un saint qui, du temps où le sanctuaire de Jérusalem était encore debout, eût été jugé digne du don de la prophétie, il était outragé et vilipendé par ses adversaires. Ceux-ci lui reconnaissaient cependant un certain savoir talmudique, et, de fait, il imitait très habilement le style du Talmud.

Anan refusait toute autorité religieuse à un grand nombre de prescriptions talmudiques, et ses tendances étaient sans doute connues des représentants des deux académies qui élisaient l’exilarque. Les deux gaonim de cette époque étaient, comme on sait, des frères ; l’un, Jehudaï l’aveugle, résidait à Sora (759-62), et l’autre, Dudaï (761-64), à Pumbadita. Ces deux dignitaires, soutenus par leur Collège, s’opposèrent à l’élection d’Anan et élevèrent à l’exilarcat son plus jeune frère Hanania (ou Akunaï ?). Les partisans d’Anan essayèrent, mais en vain, de faire intervenir en sa faveur le khalife Aboug’afar Almanzour : Hanania fut maintenu dans sa dignité. La légende raconte qu’Anan aurait été calomnié par ses adversaires auprès du khalife, qui l’aurait fait jeter en prison. Condamné à être pendu, il aurait déclaré, sur les conseils d’un musulman qui se trouvait avec lui en prison, qu’il n’appartenait pas à la même secte que son frère. Le khalife l’aurait alors remis en liberté et autorisé à émigrer avec ses partisans en Palestine.

La seule donnée certaine, c’est qu’Anan fut obligé de quitter sa patrie et se rendre en Palestine, et que, profondément irrité contre les gaonim, il tourna sa colère contre le Talmud et les tal-