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à Sora, et l’autre, Dudaï, à Pumbadita. Pendant que les deux frères dirigeaient les destinées religieuses des communautés babyloniennes, éclata un mouvement antitalmudique, le caraïsme, qui marqua profondément dans l’histoire du judaïsme.


CHAPITRE XIV


le caraïsme et ses sectes


Les naissances ne se produisent pas sans souffrance, pas plus dans l’histoire que dans la nature. Pour se manifester, les grands phénomènes historiques détruisent nécessairement en partie les faits existants, ils dérangent les usages reçus et troublent la quiétude fondée sur de vieilles habitudes. Ces modifications, tout en étant douloureusement ressenties, exercent néanmoins une action bienfaisante, elles aident à dissiper les apparences devant la réalité, l’illusion devant la certitude, l’obscurité devant la lumière. La contradiction et la lutte servent de stimulant au progrès, elles sont nécessaires au triomphe de la vérité. Or, depuis des siècles, le judaïsme, n’avait pas rencontré d’opposition chez ses propres adeptes ; aussi la vie religieuse était-elle comme pétrifiée. Le christianisme paulinien et post-apostolique avait dirigé autrefois ses attaques contre la religion juive, il avait abrogé la loi, écarté le raisonnement et imposé la foi. De là, par réaction, dans le judaïsme, l’attachement étroit aux pratiques et le développement des subtilités religieuses. Le Talmud fut le produit de ce mouvement, il devint la seule autorité reconnue et fit oublier presque totalement la Bible. Il est vrai qu’à l’origine, l’étude du Talmud contribua à fortifier et à éclairer l’esprit juif ; mais, plus tard, et surtout au Ier siècle des gaonim, elle n’était plus qu’un simple exercice de mémoire. Il fallait un violent courant d’air pour rafraîchir et assainir l’atmosphère qui enveloppait alors les écoles juives. Les attaques dirigées contre le Talmud par les deux pseudo-messies Sérène et Abou-Isa restèrent sans résultat, parce qu’il s’y mêlait des rêveries messianiques, et