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ment un poème pour la fête de l’Expiation ; c’est une sorte d’épopée liturgique qui raconte la création de l’homme et de l’univers, l’impiété des premières générations, la mission d’Abraham et l’élection de ses descendants comme peuple de Dieu, la consécration de la famille d’Aron au service du temple, les cérémonies accomplies par le grand prêtre dans le sanctuaire pendant la fête de l’Expiation, et enfin la joie que manifestait le peuple quand il s’apercevait à certains signes que ses fautes étaient pardonnées. Les compositions de José b. José se font remarquer par la profondeur et l’élévation de la pensée ; elles sont devenues, dans certaines communautés, partie intégrante de l’office et elles ont servi de modèle aux poètes postérieurs, mais elles n’ont encore ni rime, ni mètre ; le seul caractère qui les distingue de la prose ordinaire, c’est que les lettres qui commencent les versets se suivent dans l’ordre alphabétique.

La poésie néo-hébraïque ne conserva pas longtemps cette forme si simple. Familiarisés avec la littérature arabe, les Juifs ne tardèrent pas à introduire la rime dans leurs compositions poétiques. La premier auteur juif connu qui ait adopté la rime est Yannaï, originaire, à ce que l’on croit, de la Palestine. Yannaï a écrit des poèmes liturgiques pour les sabbats qu’on nomme extraordinaires, soit parce qu’ils rappellent des événements historiques, soit parce qu’ils sont rapprochés de certaines fêtes et leur servent en quelque sorte d’introduction. Les aggadot servant de thème aux prédicateurs ne présentaient plus aucun intérêt pour les fidèles, parce qu’ils les connaissaient depuis longtemps. Yannaï chercha à les rendre plus attrayantes en les revêtant d’une forme poétique. Mais il n’en sut pas faire ressortir les points intéressants ni les relever par un style élégant et clair, ses rimes sont pauvres et son expression est lourde et obscure.

Son disciple, Éléazar Kalir ou Kaliri, de Kiriat-Séfer, n’écrivit ni avec plus de grâce ni avec plus de clarté. Pour triompher des nombreuses difficultés de forme et de fond qu’il s’imposait dans la composition de ses poésies, il était obligé de faire violence à la langue hébraïque et de créer des mots nouveaux en dépit de toute règle grammaticale. Aussi, tout ce qu’il a écrit forme une suite d’énigmes, dont la solution échappe à tous ceux qui ne possèdent