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Juifs de cette contrée passèrent sous la domination des Arabes. Pour les récompenser de l’appui qu’ils leur avaient prêté, leurs nouveaux maures les traitèrent avec bienveillance, ils leur permirent de pratiquer ouvertement leur religion et d’avoir leurs tribunaux particuliers, leur imposant seulement une taxe (dsimma), qui était également payée par les chrétiens récemment soumis. Les Juifs d’Espagne entrèrent ainsi, à leur tour, dans la grande communauté formée par leurs nombreux coreligionnaires qui vivaient dans le vaste empire des khalifes.

Sous les premiers khalifes omayyades, les Juifs vécurent libres et heureux au milieu des Arabes. Moaviya, Yezid Ier, Abdu-l-Malik, Walid Ier et Solaïman (655-717) étaient des souverains tolérants et éclairés, qui ne s’inspiraient pas, dans leur conduite, des doctrines étroites du Coran. Ils aimaient la poésie (Abdu-l-Malik était poète), estimaient la science et récompensaient les savants distingués aussi généreusement que les illustres guerriers. Le peuple lui-même avait un certain goût littéraire et mettait tous ses soins à parler un langage correct et élégant. Les Juifs de l’Arabie imitaient sur ce point l’exemple de leurs concitoyens musulmans. Aussi, pendant que les Juifs, en général, se servaient d’un langage corrompu, mélange d’hébreu, de chaldéen et de grec, impropre à toute production littéraire, et qu’ils se montraient indifférents pour la forme dont ils revêtaient leurs idées, leurs coreligionnaires arabes s’exprimaient en un hébreu correct et pur. Les tribus juives de Kaïnoukaa et de Nadhir, qui avaient émigré en Palestine et en Syrie, et celles de Khaïbar et de Wadi-l-Kora, qui s’étaient établies à Koufa et dans d’autres parties de l’Irak, avaient emporté avec elles dans leur nouvelle patrie le goût de la poésie arabe ; elles l’inspirèrent à leurs autres coreligionnaires. Aussi, cinquante ans après que les Arabes eurent conquis la Palestine et la Perse, vers 683, un Juif babylonien, le médecin Masser-Gawaih, de Bassora, sut traduire un ouvrage médical du syriaque en arabe.

Stimulés par le zèle passionné avec lequel les Arabes étudiaient le Coran et les productions de leurs poètes, les Juifs se livrèrent avec ardeur à l’étude de la Bible et essayèrent, eux aussi, d’avoir leurs poètes ; de là, la naissance de la poésie néo-hébraïque. Mais, tandis que les Arabes chantaient la guerre, la chevalerie et l’amour,