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Ali, qui avait sa résidence dans la ville de Koufa, dans l’Irak, les autres pour Mouawiya, un parent du khalife Othman. Les Juifs de la Babylonie et les chrétiens nestoriens se déclarèrent pour Ali. On raconte qu’après la prise de la ville de Peroz-Schabur ou Anbar, près de 90 000 Juifs se seraient rendus auprès d’Ali, sous la conduite du chef d’école Mar-Isaac, pour lui jurer fidélité. Ali fut profondément touché de cet hommage, et il accorda à Mar-Isaac un certain nombre de privilèges. C’est probablement de cette époque que datent le titre de gaon porté par le chef de l’école de Sora et les prérogatives attachées à ce titre. Dans la suite, naquit entre les gaonim et les exilarques, c’est-à-dire entre le pouvoir temporel et la pouvoir spirituel, une rivalité qui dégénéra souvent en violentes querelles. — Avec Bostanaï et Mar Isaac commença une nouvelle période dans l’histoire des Juifs, l’époque des gaonim.

Après la mort de Bostanaï, des dissensions éclatèrent entre ses fils. L’exilarque avait eu plusieurs femmes, dont une était, comme on sait, la fille d’un roi de Perse. Le fils de cette dernière, issu de sang royal, était probablement le favori de son père, qui l’avait sans doute désigné pour lui succéder. Les autres enfants de Bostanaï, nés de femmes juives, étaient jaloux de la situation privilégiée de leur frère. Or, comme ce dernier avait eu pour mère une esclave non juive, et qu’il devait suivre, d’après le droit talmudique, la condition de sa mère, ils essayèrent de le vendre comme esclave. Cette conduite coupable fut approuvée par plusieurs docteurs. D’autres prétendirent, au contraire, qu’il n’était pas possible que Bostanaï, homme pieux, eût épousé la captive royale sans l’avoir préalablement affranchie et lui avoir fait embrasser le judaïsme. Pour empêcher qu’un frère ne fût vendu comme esclave par ses autres frères, un docteur, Haninaï, fit déclarer par le tribunal que le fils de la princesse de Perse était affranchi ; celui-ci conserva néanmoins le caractère d’enfant illégitime, et ses fils ne furent jamais considérés comme descendants d’un exilarque.

On a peu d’informations précises sur les gaonim et les exilarques qui ont vécu de 670, c’est-à-dire depuis la mort de Bostanaï, à l’an 730 ; on ignore même les noms de la plupart d’entre eux. Mar-Isaac fut, selon toute apparence, le premier gaon de Sora ;