Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marhab. Cette dernière essaya de se venger de celui qu’elle regardait comme le meurtrier de son frère et de ses coreligionnaires. Dissimulant ses sentiments de haine, elle feignit un profond attachement pour Mahomet et gagna ainsi sa confiance. Un jour, elle servit de la viande empoisonnée ; un des convives en mourut. Mahomet, trouvant au mets un goût désagréable, le rejeta. Interrogée par le prophète sur le motif de ce crime, Zaïnab lui répondit : « Tu as fait endurer de cruelles souffrances à mon peuple ; je me suis dit que si tu n’étais qu’un vulgaire despote, ta mort serait une délivrance pour mon peuple ; serais-tu, au contraire, prophète, alors mon poison n’aurait aucune action sur toi. » Elle fut exécutée. À la suite de cet incident, Mahomet ordonna à ses soldats de ne se servir de la vaisselle enlevée aux Juifs qu’après l’avoir trempée dans de l’eau bouillante. — Ces défaites successives ne découragèrent pas les Juifs ; ils cherchèrent à s’allier avec les mécontents des tribus arabes pour essayer de nouveau d’abattre la puissance naissante de Mahomet. Les pourparlers avaient lieu dans la maison d’un juif, Suwailim, à Médine. Suwailim fut dénoncé et sa maison livrée aux flammes.

Quand Mahomet mourut (632), les Juifs s’en réjouirent fort ; ils croyaient qu’avec lui disparaîtrait la croyance des Arabes à son immortalité et à sa mission divine. Mais déjà le fanatisme avait fait son œuvre ; le Coran tout entier, dans ses polémiques comme dans ses doctrines, avait acquis force de loi, il était devenu le livre par excellente d’une population considérable dans trois parties du monde, et ses violentes diatribes contre les Juifs étaient considérées par tous les musulmans comme des articles de foi. L’islamisme, comme le christianisme, meurtrit le sein qui l’avait nourri. Le deuxième khalife, Omar, d’un fanatisme farouche, expulsa de Khaïbar et de Wadi-l-Kora les tribus juives que le prophète avait laissées par traité sur leurs terres, il ne voulut pas que le sol sacré de l’Arabie fût souillé par leur présence ; il chassa pour la même raison les chrétiens de Nedjran. Les guerriers musulmans eurent en partage les vastes domaines des Juifs ; ceux-ci obtinrent, en compensation, un petit territoire situé près de l’Euphrate, dans le voisinage de la ville de Koufa (vers 640). Malgré ces divers actes d’hostilité des Arabes envers les Juifs, on peut dire que le triomphe de l’islamisme fut un bienfait pour le judaïsme.