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lait devant aucun moyen, fût-ce le guet-apens et le meurtre, pour triompher de ses ennemis. Confiant dans la solidité et le courage de ses compagnons, il commença à faire la guerre aux Juifs. Ce fut la petite tribu de Kainukaa qui eut à supporter ses premiers coups. Voici le fait qui servit de prétexte aux hostilités. Un musulman, irrité d’une mauvaise plaisanterie d’un Juif, le tua ; les Kainukaa tirèrent vengeance de ce meurtre. Mahomet les plaça alors dans l’alternative d’embrasser l’islamisme ou d’accepter la guerre ; ils prirent les armes. Comptant sur l’appui des Nadhir et des Kuraïza, leurs coreligionnaires, ils se retirèrent dans leurs châteaux forts, prés de Médine. Mahomet vint les y assiéger. Plus avisés, les nombreux Juifs du nord de l’Arabie auraient prévu qu’un jour ou l’autre ils seraient attaqués à leur tour par Mahomet, et ils se seraient alliés tous ensemble contre lui ; il leur eût été alors bien facile d’écraser sa petite armée. Mais, pour leur malheur, ils étaient divisés entre eux, et chaque tribu se désintéressait de ses voisins. Pendant quinze jours, les Kainukaa repoussèrent vaillamment les attaques des Arabes. Épuisés et désespérant d’être secourus, ils ouvrirent les portes de leurs forts. Mahomet les fit enchaîner et donna ordre de les égorger. Abdallah ibn Oubey, leur allié, saisit le prophète par sa cuirasse : « Je ne te lâcherai, lui dit-il, que lorsque tu m’auras donné la promesse formelle de remettre les prisonniers en liberté ; ils ont été mon appui, ils m’ont défendu contre les rouges et les noirs. » N’osant repousser cette demande, Mahomet dit : « Qu’on les délivre, et que Dieu les damne, eux et Abdallah ! » Dépouillés de tous leurs biens, les Kainukaa partirent alors, au nombre de sept cents, pour se rendre en Palestine ; là, ils s’établirent dans la Batanée, dont la capitale était Adraat.

Après sa victoire sur les Kainukaa, Mahomet engagea les musulmans, dans une révélation, à refuser toute protection aux Juifs : « Ô vous qui croyez, ne prenez point pour amis les Juifs et les chrétiens ; qu’ils se protègent eux-mêmes. Celui qui les prend pour amis leur ressemble ; Dieu n’est pas le guide des pervers. » Les chrétiens étaient en petit nombre dans le nord de l’Arabie et n’y jouissaient que d’une situation précaire, ils souffrirent donc peu de cette exclusion. Il n’en fut pas de même des Juifs. Habitués à