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Gamaliel montra en ce jour une dignité de caractère dont ses contemporains parlent avec éloge. Malgré les humiliations que les docteurs lui infligèrent, il n’eut pas un seul instant la pensée de s’éloigner de l’école ; il continua à prendre part à l’enseignement et aux discussions, bien qu’il n’eût aucunement l’espoir de triompher des préventions de l’assemblée contre ses doctrines. Il put, du moins, se convaincre que sa sévérité excessive lui avait aliéné les cœurs et arrêté chez les docteurs l’éclosion d’idées quelquefois sages et fécondes. Pris de lassitude, il résolut de céder ; et se rendit auprès des principaux de ses collègues pour implorer leur pardon. Il trouva Josua occupé à fabriquer des aiguilles. Gamaliel, élevé dans l’opulence, était profondément surpris du dur labeur que ce sage devait s’imposer pour gagner sa vie. « Et c’est de ce métier que tu vis ? » lui demanda-t-il. Josua saisit cette occasion pour lui reprocher de se préoccuper si peu de la douloureuse situation de quelques savants. « Il est bien fâcheux, répliqua-t-il, que tu l’aies ignoré jusqu’à ce jour. Malheur à la génération dont tu es le chef ! Tu ne connais pas l’existence pénible et misérable des docteurs. » Josua avait déjà adressé, à une autre occasion, le même blâme à Gamaliel. Un jour que le patriarche admirait ses connaissances astronomiques, Josua lui répondit avec modestie que deux de ses disciples étaient d’habiles mathématiciens et souffraient cependant de la misère. Gamaliel supplia son adversaire, au nom de l’honneur de la maison de Hillel, d’oublier sa rigueur. Josua pardonna à Gamaliel et lui promit même son concours pour le faire réintégrer dans sa dignité de Nassi. Mais il fallait, avant tout, persuader au nouveau patriarche de se démettre de ses fonctions en faveur de son prédécesseur. On hésita longtemps à lui en parler. Enfin Akiba accepta cette mission délicate ; il put la remplir très facilement. Dès qu’Éléazar apprit que Gamaliel s’était réconcilié avec ses principaux adversaires, il se déclara prêt à rentrer dans la vie privée, il offrit même d’accompagner, le lendemain, le Collège dans sa visite d’honneur auprès du patriarche. Le Synhédrin, ne voulant pas qu’Éléazar se démît totalement de ses fonctions, le nomma suppléant du Nassi. Pour régler les rapports entre Gamaliel et Éléazar, on décida que le premier présiderait et ouvrirait les séances pendant