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population était chrétienne, avait à sa tête un gouverneur chrétien, Harith ibn Kaleb, vassal de Dhou-Nowas. Soit que Harith n’eût pas assisté son suzerain dans sa guerre contre Aidoug, soit qu’il eût laissé impuni, comme le raconte la légende, le meurtre de deux enfants juifs assassinés à Nedjran, Dhou-Nowas marcha contre la ville et l’obligea à capituler. Harith, avec trois cent quarante notables, se rendit auprès du roi du Yémen pour signer le traité de paix. Quand ils furent arrivés dans son camp, Dhou-Nowas, à ce que l’on raconte, les plaça dans l’alternative d’accepter le judaïsme ou la mort ; ils choisirent la mort. Ce qui est certain, c’est que Dhou-Nowas, pour venger sur les chrétiens de son royaume les mauvais traitements que leurs coreligionnaires infligeaient aux Juifs dans divers États, leur imposa de lourdes taxes.

Les faits survenus à Nedjran furent complètement dénaturés, le châtiment de quelques rebelles devint une persécution contre les chrétiens, et les morts, dont on exagérait le nombre, furent élevés au rang de martyrs. Un évêque syrien, Siméon, qui était alors en route pour l’Arabie du Nord, ajouta foi à tous ces bruits et écrivit à un de ses collègues, qui demeurait tout près de l’Arabie, d’ameuter tous les chrétiens contre le roi juif et de pousser le négus (roi) de l’Éthiopie à lui déclarer la guerre. Il proposa même de contraindre les docteurs juifs de Tibériade à adresser à Dhou-Nowas une lettre collective en faveur des chrétiens. On voulut également entraîner l’empereur byzantin Justin Ier dans cette croisade contre le roi du Yémen. Mais Justin, dont l’armée était aux prises avec les Perses, ne voulut pas se joindre à cette levée de boucliers : « Le royaume himyarite, dit-il, est loin, je ne peux pas envoyer mes troupes à une si grande distance, à travers des déserts de sable, mais j’en écrirai au roi d’Éthiopie, il est chrétien comme nous et il est bien plus près de l’Arabie que moi. » Il demanda, en effet, au roi d’Éthiopie Elesbaa (ou Atzbeha) d’aller combattre les Himyarites.

Il n’est pas nécessaire d’exciter Elesbaa contre Dhou-Nowas ; depuis longtemps il voyait avec peine la couronne du royaume himyarite sur la tête d’un juif. Aussi saisit-il avec empressement l’occasion de déclarer la guerre au roi arabe. Il équipa une