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tie de l’empire Visigoth jouissaient également de l’égalité civile et politique. Plusieurs d’entre eux rendirent aux rois Visigoths d’importants services. Ainsi, ceux qui habitaient au pied des Pyrénées défendaient vigoureusement les passages de ces montagnes contre les attaques des Francs et des Burgondes. Ils étaient regardés comme les plus vigilants gardiens de la frontière, et leur vaillance leur valut de flatteuses distinctions.

Avec le triomphe de l’Église catholique en Espagne commença pour les Juifs de ce pays une ère de vexations et de persécutions. Ce fut le roi Reccared qui, d’accord avec le concile de Tolède, où il avait abjuré la foi arienne, commença à restreindre les droits des Juifs. Il leur interdit de se marier avec des chrétiens, de posséder des esclaves chrétiens et d’occuper des emplois publics ; les enfants nés d’unions mixtes étaient baptisés de force (589). Parmi toutes ces mesures, si pénibles pour des hommes qui avaient joui jusque-là des mêmes droits que leurs concitoyens, la plus dure était certainement la défense de posséder des esclaves. Tous les habitants aisés avaient des serfs et des esclaves pour cultiver leurs champs et s’acquitter de divers travaux domestiques ; seuls, les Juifs me pouvaient plus en employer. Ils cherchèrent à faire lever cette interdiction en offrant à Reccared une forte somme d’argent ; Reccared refusa le présent et maintint la prohibition. Le pape Grégoire loua hautement la conduite du roi visigoth. Vers la même époque, Reccared confirma une résolution du concile de Narbonne qui défendait aux Juifs de chanter des psaumes aux enterrements ; ils avaient sans doute emprunté cet usage à l’Église.

Grâce à la constitution particulière de l’Espagne wisigothe, les Juifs pouvaient assez facilement tourner les lois édictées contre eux par Reccared. Le roi n’avait qu’une puissance fort limitée ; les seigneurs Visigoths, qui élisaient leur souverain, étaient maîtres absolus sur leurs terres, et, pas plus que le peuple, ils ne haïssaient les Juifs. Ils continuaient à leur permettre de posséder des esclaves et de les nommer à des fonctions publiques. Au bout de vingt ans, les lois de Reccared étaient totalement tombées en désuétude. Ses successeurs n’en tinrent nul compte et se montrèrent, en général, favorables aux Juifs.