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entretenir d’excellentes relations avec les Juifs, sans craindre qu’il en résultât un danger pour le catholicisme. Mais le fanatisme est contagieux, dès qu’il commence à exercer ses ravages, il se propage immédiatement avec une dangereuse rapidité. Ce fut Avitus, évêque de Clermont, qui donna, chez les Francs, le signal des persécutions contre les Juifs ; d’autres suivirent bientôt cet exemple funeste.

À maintes reprises, Avitus engagea les Juifs de son diocèse à se convertir, mais ils se montrèrent peu disposés à suivre son conseil. Irrité de leur résistance, il prononça contre eux des discours enflammés. Ses paroles produisirent l’effet désiré, les chrétiens attaquèrent les synagogues et les rasèrent jusqu’au sol. Cet exploit ne suffit pas à Avitus, il mit les Juifs dans l’alternative d’accepter le baptême ou de quitter la ville. Un seul embrassa le christianisme, et devint, après sa conversion, un objet de raillerie et de mépris pour ses anciens coreligionnaires. Comme il traversait la rue, pendant la fête de Pentecôte, dans son vêtement blanc, de néophyte, un Juif lança de l’huile sur ses habits. Cette offense faite à un prosélyte exaspéra la foule, qui se rua sur les Juifs et en tua un grand nombre. Devant le danger qui les menaçait, cinq cents Juifs demandèrent Avitus de les baptiser ; les autres se réfugièrent à Marseille (576). L’Église considéra la conversion de ces cinq cents affolés comme un remarquable succès, et Grégoire de Tours chargea le poète Venantius Fortunatus de célébrer cet éclatant triomphe.

Encouragé par le fanatisme d’Avitus, le concile de Macon (581) arrêta plusieurs dispositions qui étaient toutes humiliantes pour les Juifs. Il est interdit aux Juifs d’exercer les fonctions de juge ou de fermier des impôts, « afin que la population chrétienne ne paraisse pas placée sous leurs ordres ; » ils sont contraints de témoigner du respect aux prêtres chrétiens, et ils ne peuvent s’asseoir, en leur présence, que sur leur autorisation. Enfin, le concile de Mâcon renouvelle l’interdiction pour les Juifs de se montrer dans les rues pendant Pâques. Chilpéric Ier lui-même, auquel on ne peut certes pas reprocher d’être un fanatique, suivit l’impulsion donnée par Avitus, il obligea les Juifs de son royaume de se faire baptiser, et il tenait lui-même les néophytes sur les fonts