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clergé ne virent pas d’un bon œil la cordialité de ces rapports, et le concile de Vannes (465) interdit aux ecclésiastiques de prendre place à la table des Juifs parce qu’il est indigne que des chrétiens goûtent indistinctement, chez les Juifs, à tous les aliments, lorsque les Juifs repoussent avec dédain certains aliments des chrétiens ; on croirait, d’après cela, que les ecclésiastiques sont inférieurs aux Juifs. Le concile ne fut pas obéi, Juifs et chrétiens continuèrent à vivre familièrement ensemble dans la Gaule. Leurs relations restèrent cordiales même après que, par suite du baptême de Clovis, l’Église catholique fut devenue prépondérante en Gaule. Clovis était féroce dans les combats, il n’était pas fanatique. Du reste, l’Église lui sut gré de sa conversion et n’exigea pas de lui qu’il laissât le champ libre à l’ardente propagande des ecclésiastiques. Les successeurs de Clovis étaient également en situation de se passer de la protection du clergé, ils n’avaient donc pas à subir toutes ses volontés. Aussi les Francs conservèrent-ils encore assez longtemps un grand nombre d’usages païens et les Juifs purent-ils exercer librement leur religion. Il y eut bien quelques évêques fanatiques qui employèrent la persuasion et la violence pour convertir les Juifs ; parfois aussi, un roi dévot les maltraitait, mais ces persécutions restaient isolées et les Juifs continuèrent à jouir chez les Francs d’une large tolérance. Ils étaient moins heureux chez les Burgondes, depuis que le roi Sigismond avait abandonné l’hérésie arienne pour embrasser la religion catholique (516). Sigismond s’efforça d’élever une barrière entre les Juifs et les chrétiens, il sanctionna la mesure que le concile d’Épaone, présidé par l’évêque Avitus, avait prise pour défendre à tout chrétien, même laïque, de manger chez des Juifs.

Sigismond trouva bientôt des imitateurs parmi les rois francs. Le troisième et le quatrième concile d’Orléans (538 et 545) ayant interdit aux Juifs de se montrer en public pendant les fêtes de Pâques, sous prétexte « que leur présence était une offense au christianisme », Childebert Ier, de Paris, inscrivit cette prohibition dans sa Constitution (554). Heureusement, le royaume des Francs était gouverné par plusieurs chefs, et lorsque l’un d’eux persécutait les Juifs, les autres ne leur imposaient ni contrainte, ni restriction. Même des princes de l’Église continuaient à