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voulaient pas, il est vrai, qu’on contraignît les Juifs sous peine d’expulsion ou de mort à accepter le baptême, parce qu’ils savaient que les conversions forcées ne donneraient à l’Église que de faux chrétiens qui, dans leur cœur, la haïraient profondément ; mais, ils n’hésitaient pas à les soumettre à des mesures vexatoires et à des lois d’exception, et à les traiter en serfs. Chez les peuples qui suivaient la doctrine d’Arius, la condition des Juifs était supportable ; les catholiques, au contraire, manifestaient à leur égard une animosité violente, qui grandissait avec la résistance que les Juifs opposaient aux tentatives des convertisseurs, ils voyaient en eux des maudits et des réprouvés dont l’humiliation contribuerait à la grandeur de l’Église.

Dans le coup d’œil que nous allons jeter sur les Juifs d’Europe, nous rencontrons d’abord, tout près de l’Asie, ceux de l’empire byzantin, qui étaient déjà dans ce pays avant que le christianisme ne s’y fût établi en maître. À Constantinople, les Juifs habitaient un quartier spécial, appelé le marché d’airain, où s’élevait une grande synagogue ; ils firent expulsés de ce quartier par Théodose II ou Justin II, et la synagogue devint « l’église de la mère de Dieu. »

Les Juifs de Byzance virent avec une profonde douleur qu’entre autres trophées, Bélisaire, le vainqueur des Vandales, avait rapporté de Carthage, où ils se trouvaient depuis près d’un siècle, les vases sacrés du temple de Jérusalem, et qu’il les exposait, sur son char de triomphe, aux regards de la foule, à côté du roi des Vandales, Gélimer, petit-fils de Geiseric, et du trésor de ce prince. Ne pouvant contenir le chagrin que lui causait cette profanation, l’un d’eux déclara à un courtisan « qu’il ne conseillerait pas à l’empereur de garder ces vases au palais, parce qu’ils pourraient lui porter malheur ; que Rome, pour les avoir détenus, avait été ravagée par Geiseric, et que ce dernier s’en étant emparé, à son tour, son descendant Gélimer venait d’être défait et sa capitale pillée par l’armée ennemie ; qu’il lui paraissait donc plus prudent de les déposer dans l’endroit auquel le roi Salomon les avait destinés, au temple de Jérusalem. » À peine informé des paroles du Juif l’empereur Justinien eut peur et fit immédiatement transporter les vases sacrés dans une église de Jérusalem.