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reur romain avait conclu avec Siroès, qui détrôna et fit assassiner son vieux père, les Perses se retirèrent de la Judée, et cette contrée retomba sous la domination byzantine (628). Dans l’automne de cette année, Héraclius se rendit en triomphe à Jérusalem. Comme Tibériade se trouvait sur son chemin, il s’arrêta quelque temps dans cette ville, où Benjamin lui offrit l’hospitalité et entretint à lui seul son armée. Dans un de ses entretiens, l’empereur demanda à Benjamin pourquoi il s’était montré si acharné contre les chrétiens. « Parce qu’ils sont les ennemis de ma foi, » répondit courageusement Benjamin.

À son entrée dans Jérusalem, Héraclius fut instamment prié par les moines et le patriarche Modeste d’exterminer tous les Juifs de la Palestine. L’empereur refusa en invoquant les promesses solennelles qu’il avait faites aux Juifs de les protéger, promesses qu’il ne pourrait trahir sans devenir un grand pécheur devant Dieu et un parjure devant les hommes. Aveuglés par le fanatisme, les moines lui affirmèrent que, loin d’être un péché, le meurtre des Juifs était au contraire une action agréable aux yeux de Dieu, et ils ajoutèrent qu’ils en accepteraient la responsabilité et qu’en expiation de ce qu’il croyait un péché, ils institueraient une période de jeûne. Le dévot empereur se laissa convaincre, et il ordonna une persécution générale contre les Juifs de la Palestine ; tous ceux qui ne parvinrent pas à se réfugier dans les montagnes ou à gagner l’Égypte furent massacrés. De tous les Juifs palestiniens, Benjamin de Tibériade, l’instigateur de la révolte contre Rome, fut seul épargné, parce qu’il s’était converti au christianisme. Le souvenir du parjure dont Héraclius se rendit coupable envers les Juifs se conserva très longtemps, grâce au jeûne que les moines avaient institué en l’honneur de ce crime et que les chrétiens de l’Orient, notamment les Coptes et les Maronites, observèrent pendant quelques siècles. En s’abstenant de manger de certains aliments, ils croyaient racheter le massacre de plusieurs milliers de Juifs !

En Europe, les Juifs n’eurent réellement une histoire qu’à partir de l’époque où un heureux concours de circonstances leur permit de développer leurs forces et de donner un libre cours à leur activité. Jusque-là, il n’y a à noter chez eux qu’une série de persécu-