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l’Église, composés vers la même époque. Mais on reconnaîtrait à un examen attentif que cette comparaison n’est même pas possible. Il est vrai qu’il s’agit ici moins de faire voir ce que le Talmud est en soi que d’indiquer ce qu’il a été dans l’histoire, quelle influence il a exercée sur les générations suivantes. On a dirigé contre le Talmud, à diverses époques, les accusations les plus diverses, on l’a décrié avec passion et on l’a brûlé, parce qu’on n’a regardé que ses défauts sans vouloir tenir compte de son mérite, qu’on ne peut réellement apprécier qu’en embrassant d’un coup d’œil toute l’histoire juive. Sans doute, le Talmud de Babylone a un certain nombre de défauts inhérents à toute œuvre de l’esprit qui a une tendance exclusive, il poursuit son but avec une logique inflexible, traite sérieusement les questions les plus futiles, enregistre avec gravité des croyances et des pratiques superstitieuses empruntées à la religion des Perses et relatives à la puissance des démons, à l’efficacité de la magie et des formules de conjuration, à la signification des songes, croyances et superstitions qui sont en contradiction absolue avec l’esprit du judaïsme ; il contient aussi des maximes et des sentences hostiles aux autres peuples et aux autres religions ; enfin, son interprétation de la Loi est souvent très subtile, étrange, contraire au bon sens et à la réalité. Dans le Talmud dominent l’aridité et la sécheresse, on n’y trouve nulle trace du souffle poétique qui anime certaines parties de la Bible, il n’a rien de l’éloquence entraînante des prophètes, de l’élévation des Psaumes, de la profondeur de pensée de Job, des accents brûlants du Cantique des Cantiques. Par suite de ces divers défauts, on a reproché au Talmud de s’occuper de vétilles et de minuties, on l’a condamné comme une source d’erreurs et d’immoralités. Cette critique méconnaît qu’il n’est pas le travail d’un auteur unique, responsable de chaque parole et de chaque idée. Le Talmud est l’œuvre de la nation juive tout entière. Ce livre extraordinaire présente, pris sur le vif, six siècles de l’histoire juive avec les costumes, les expressions et les idées propres à chaque époque. On dirait qu’une catastrophe pareille à celle qui nous a conservé Pompéi et Herculanum a pétrifié ces six siècles avec toutes leurs particularités pour les déposer dans le Talmud. Qu’y a-t-il alors d’étonnant qu’on y trouve le mal à côté du bien, des pensées géné-