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Joseph Rabban. Le roi Airvi lui accorda des privilèges importants et des dignités spéciales, qui devaient rester héréditaires dans sa famille. Il avait le droit, à l’instar des princes indiens, de sortir, monté sur un éléphant, de se faire précéder d’un héraut d’armes avec tambours et cymbales et de s’asseoir sur des tapis. Joseph Rabban eut, paraît-il, une série de 72 successeurs qui gouvernèrent les colonies judéo-indiennes jusqu’au jour où éclatèrent des dissensions parmi les Juifs ; dans ces luttes intestines, un grand nombre de Juifs furent tués, Cranganor fut détruit, et les survivants émigrèrent à Mattachery (à une lieue de Cochin), qui fut surnommé « ville des Juifs ». Les privilèges accordés par Airvi aux émigrés juifs furent gravés sur une table d’airain, en caractères tamuliques (vieux-indiens), dans une traduction hébraïque très obscure. Cette table existe encore de nos jours.

Les familles juives qui avaient émigré avec Joseph Rabban rencontrèrent, selon toute apparence, sur la côte de Malabar, des coreligionnaires qui pouvaient bien être partis de Perse antérieurement ou à l’époque où d’autres émigrés juifs s’étaient rendus en Chine. La population juive des Indes orientales se compose encore aujourd’hui de deux classes ou plutôt de deux castes qui diffèrent tellement l’une de l’autre par la couleur de la peau, les traits du visage, les mœurs et les usages, qu’elles peuvent être difficilement considérées comme membres d’une seule et même tribu. On trouve sur la côte de Malabar et dans l’île de Ceylan des Juifs blancs qui se disent originaires de Jérusalem et des Juifs noirs qui ne se distinguent en rien des Indiens indigènes. Ces deux classes n’ont aucune ressemblance entre elles, et les Juifs blancs témoignent pour leurs coreligionnaires noirs le dédain que la race blanche éprouve, en général, dans toutes les parties du monde, pour la race noire. Il est vrai que les Juifs noirs vivent dans un état de très grande ignorance, connaissant peu la religion de leurs pères, ne possédant que de rares exemplaires de la Bible et du Talmud, et n’ayant aucune notion de leur propre histoire.

Après la mort de Peroz, les persécutions cessèrent et la situation des communautés babyloniennes s’améliora, les écoles furent rouvertes et de nouveaux chefs furent placés à leur tête. La direction de l’université de Sora fut confiée à Rabina, qui resta en fonc-