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qui le lapidèrent. Ce premier meurtre fut bientôt suivi d’un second. Cette horde de moines sauvages se jeta un jour sur Hypathie, célèbre par ses connaissances philosophiques, son éloquence et ses mœurs austères, l’assassina et déchiqueta son corps avec une férocité bestiale. De tous les Juifs d’Alexandrie, un seul, Adamantius, qui enseignait la médecine, accepta le baptême pour échapper à l’expulsion ; tous les autres préférèrent les souffrances de l’exil à l’abandon de leur foi.

Les Juifs de Magona (Mahon), petite ville de l’île espagnole Minorque, dans la Méditerranée, ne montrèrent pas la même fermeté dans leurs croyances. Persécutés par l’évêque de Mahon, Sévère, ils ne craignirent pas d’acheter leur sécurité au prix d’une apostasie. Il est à remarquer qu’en Espagne, comme dans d’autres régions, les Juifs et les chrétiens entretinrent d’abord entre eux des relations pacifiques ; ce fut le clergé qui éveilla les sentiments de haine et d’intolérance dans la population chrétienne. L’évêque Osius (Hosius), de Cordoue, membre du concile de Nicée et organisateur du concile d’Elvire, fit adopter à cette dernière réunion une décision en vertu de laquelle la peine d’excommunication était prononcée contre les chrétiens qui auraient des relations avec les Juifs, contracteraient des mariages avec eux, ou feraient bénir par eux les fruits de leurs champs.

Dans la situation pénible qui leur était faite dans les pays chrétiens, il ne restait aux Juifs d’autre arme contre leurs oppresseurs que la raillerie. Mais ils la maniaient parfois avec maladresse, et particulièrement au jour de Purim, où l’animation de la fête conduisait souvent à l’ivresse et, par suite, à des démonstrations irréfléchies. En ce jour, la jeunesse bruyante pendait en effigie Aman, l’ennemi traditionnel des Juifs, à un gibet auquel, par hasard ou à dessein, on donnait la forme de la croix et qu’ensuite on brûlait. Ce fait irritait naturellement les chrétiens, qui accusaient les Juifs d’outrager leur religion. Pour mettre fin à ce scandale, Théodose II ordonna aux recteurs de la province d’en punir les auteurs de peines rigoureuses ; mais il n’arriva pas à le faire cesser. Cette plaisanterie de carnaval eut un jour les plus désastreuses conséquences. Les Juifs d’Imnestar, petite ville de la Syrie située entre Antioche et Chalcis, ayant élevé un de ces « gibets d’Aman, » les chrétiens les accu-