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inventa de fausses accusations contre eux, leur reprochant de mépriser les lois romaines et les raillant de ce qu’aucun d’eux ne pouvait devenir ni empereur, ni gouverneur, ni général, ni sénateur, de ce qu’ils étaient repoussés de la table des grands et ne servaient qu’à remplir le trésor impérial. Devant ces attaques incessantes, inspirées par un aveugle fanatisme, il devint nécessaire de protéger efficacement les Juifs. Partant de ce principe qu’aucune loi ne défendait, dans l’empire romain, l’exercice du judaïsme, Théodose exigea que les adeptes de cette religion fussent respectés dans leur personne et leurs synagogues, et il édicta des peines sévères contre les chrétiens qui troubleraient leur tranquillité. Mais les ordres impériaux étaient impuissants à modifier l’esprit du temps, qui était hostile aux Juifs, et les persécutions continuèrent. Du reste, il existait déjà contre les Juifs, avant le règne de Théodose, un certain nombre de lois restrictives, ces lois restèrent en vigueur. Théodose enleva même aux Juifs le privilège, qu’ils avaient obtenu sous ses prédécesseurs, d’être exempts, à cause de leurs croyances, de certaines charges publiques.

À la mort de Théodose le Grand, l’empire romain échut à ses deux fils et fut divisé en deux tronçons, l’empire d’Orient et l’empire d’Occident. Les Juifs romains eurent ainsi deux maîtres différents. En Orient, où régnait l’empereur Arcadius (395-408) ou plutôt ses deux conseillers tout-puissants Rufin et Eutrope, ils étaient assez bien traités. Rufin aimait l’argent, et les Juifs avaient déjà appris à en connaître le pouvoir magique. Grâce à la protection de Rufin, ils obtinrent la promulgation de plusieurs édits favorables. En 396, une loi leur confirma le droit de nommer eux-mêmes les surveillants de leurs marchés (agoranomos) et menaça d’un châtiment rigoureux ceux qui y mettraient obstacle ; dans la même année, une autre loi protégea les « illustres patriarches » contre toute injure. À la suite d’attaques dirigées en Illyrie contre les synagogues, et dont les instigateurs furent sans doute des membres du clergé, qui désiraient aussi ardemment la destruction des sanctuaires juifs que la ruine des temples païens, Arcadius, ou plutôt Eutrope, ordonna aux gouverneurs de châtier sans merci les fauteurs de désordres (397) ; en même temps, il renouvela la loi, promulguée sous Constantin, qui exemptait les patriarches et