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les Juifs et les chrétiens. Les jours où l’on prêtait hommage au roi, on voyait à la cour les trois principaux représentants du judaïsme babylonien : Aschi, comme délégué de Sora ; Mar-Zutra, comme délégué de Pumbadita, et Amêmar, comme délégué de Nehardéa. Un autre docteur, Huna bar Zutra, était un des familiers de Yesdegird.

Le mouvement d’émigration et les révolutions considérables qui se produisirent, à cette époque, parmi les peuples, et le châtiment infligé par Dieu à l’empire de Rome, réveillèrent les espérances messianiques dans les cœurs juifs. On répéta partout dans la foule que le prophète Élie avait annoncé que le Messie viendrait au 85e jubilé (4 200 de la création, 440 de l’ère vulgaire). De pareilles croyances ont rencontré de tout temps des adeptes passionnés, qui, ne se contentant pas de nourrir silencieusement leurs espérances dans leur cœur, se sont efforcés de faire partager leur enthousiasme à la foule et l’ont entraînée dans de folles aventures. Le même phénomène se reproduisit à l’époque d’Aschi. Un de ces rêveurs mystiques parcourut pendant une année toutes les communautés juives de l’île de Crète, leur persuadant que l’époque messianique était arrivée et leur promettant de leur faire traverser la mer à pied sec, comme autrefois Moïse, dont il avait, du reste, le nom, et de les conduire jusque dans la Terre promise. On le crut sur parole, les Juifs crétois ne s’occupèrent plus de leurs affaires, distribuèrent leurs biens et attendirent avec anxiété le jour fixé par leur Messie pour le passage de la mer. Au jour dit, le Messie, suivi de toute la population juive de Crète, se dirigea vers la mer. Monté sur une colline qui s’avançait dans l’eau, il engagea ses partisans à se précipiter sans crainte dans les flots, leur assurant que les eaux se retireraient devant eux. Un grand nombre de ces hallucinés se noyèrent ; d’autres furent sauvés par des marins. Le faux Moïse paraît n’avoir pas été retrouvé.

Aschi chercha à prémunir les Juifs contre des croyances aussi dangereuses, et il expliqua ainsi la prophétie alors répandue dans le peuple : « Il n’est pas possible que le Messie apparaisse avant le 85e jubilé ; à partir de cette époque, on peut avoir l’espoir, mais non la certitude, qu’il viendra. » — Aschi mourut dans un âge très avancé (en 427), deux ans avant la prise de Carthage par le