d’autant plus que les chrétiens s’étant approprié l’Écriture sainte pour en faire la base de leur religion, le judaïsme, d’après les conceptions de ce temps, ne se distinguait plus du christianisme que parce qu’il avait une loi orale. Cette pensée fut souvent exprimée sous forme poétique par l’Aggada : « Moïse a voulu mettre la loi orale par écrit ; mais l’Éternel, prévoyant qu’un jour les nations traduiraient la Tora en grec et déclareraient qu’elles sont le vrai peuple d’Israël et les enfants de Dieu, s’est opposé au projet de Moïse, parce qu’il a voulu laisser aux Juifs une marque distinctive par laquelle ils pourraient prouver qu’eux seuls sont ses élus. « Quiconque connaît mon mystère, dit Dieu, est mon fils, » c’est-à-dire quiconque connaît la Mischna et l’explication orale de la Tora. Le prophète Rosée a dit dans le même sens : « Si j’écrivais toutes les lois, Israël serait considéré comme une nation étrangère. » En coordonnant le Talmud, Aschi compléta l’œuvre commencée deux siècles auparavant par Juda. Cette coordination présentait cependant de très graves difficultés. La Mischna rapporte sèchement les décisions juridiques formulées dans des paragraphes distincts, qu’il n’était pas trop difficile de mettre en ordre ; le Talmud, au contraire, montre en quelque sorte sur le vif le développement de la tradition orale, il indique la genèse des diverses lois, en fait ressortir l’esprit et enregistre les raisonnements plus ou moins subtils qui ont conduit aux diverses conclusions. La rédaction du Talmud est certainement un des faits les plus considérables de l’histoire juive ; le Talmud babylonien (Talmud babli) devint, en effet, pour le judaïsme un élément d’action très important. Quoiqu’il ait consacré principalement son activité à la rédaction du Talmud, Aschi ne se résigna cependant pas à employer exclusivement ses facultés à un simple travail de compilation. Il résolut un grand nombre de questions restées jusque-là obscures ou mal comprises, et les solutions qu’il en donne sont le plus souvent aussi remarquables par leur justesse et leur profondeur que par leur simplicité.
Les vingt dernières années de l’activité d’Aschi coïncidèrent avec le règne du roi sassanide Yesdegird (399-420). Ce monarque, surnommé al-Hatim (le pécheur) par les mages, parce qu’il ne voulut pas se laisser dominer par eux, se montra tolérant pour