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Loi se pavanaient, couverts de vêtements somptueux, dans des litières dorées. Ils s’éloignaient de plus en plus, par leurs idées et leurs manières, du peuple, dont ils étaient sortis, et formaient une caste à part, la classe des patriciens, s’appliquant surtout à sauvegarder leurs propres intérêts et traitant le peuple avec une hautaine arrogance.

Râba avoua un jour que toutes les fois qu’il avait à juger une cause dans laquelle était impliqué un docteur, il ne pouvait pas goûter de repos avant qu’il n’eût découvert quelque argument en faveur de son collègue. Les docteurs jouissaient du privilège de vendre, les premiers, les produits qu’ils apportaient au marché, afin de pouvoir en tirer un pris plus élevé ; au tribunal, leurs causes étaient jugées les premières ; ils n’avaient pas à contribuer aux impôts collectifs payés par les communautés ; dans les villes où l’on ignorait qu’ils étaient docteurs, ils avaient le droit de se faire connaître, afin de jouir des privilèges attachés à leur titre. Râba alla encore plus loin dans cette voie, il les autorisa même à se déclarer adorateurs du feu pour se faire exempter de l’impôt du charage. Quel contraste entre ces hommes égoïstes et ambitieux et les Tannaïtes qui avaient toujours refusé, quelquefois au risque de leur vie, de tirer profit de leur science religieuse ! Quoi d’étonnant que le peuple ressentît pour la classe des savants une profonde antipathie ! « Ces savants-là, disait-il d’eux avec un profond mépris, ne nous sont d’aucune utilité ; ils font servir leur science à leurs propres intérêts. » À la tête des adversaires des Rabbanan, se trouvait la famille du médecin Minjamin, de Mahuza, qui raillait impitoyablement les docteurs. « Ces interprètes de la Loi, dit Minjamin, sont absolument incapables de nous rendre aucun service, ils ne peuvent ni nous permettre de manger des corbeaux, ni nous défendre de manger des pigeons, en d’autres termes, ils sont obligés, malgré toutes les subtilités de leur dialectique, à s’en tenir purement à la tradition. » Ce médecin jouissait sans doute d’une influence assez considérable, car Râba, tout en déclarant que ses propos étaient entachés d’hérésie, ne paraît pas l’avoir excommunié ; il était probablement attaché à la maison de l’exilarque.

Malgré l’hostilité que le peuple témoignait aux savants, on