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Après la mort d’Abaï, la direction de l’école fut confiée d’un commun accord à Râba bar Joseph bar Hama (né en 299 et mort en 352), de Mahuza. Râba possédait une grande fortune, il était doué d’une vaste intelligence et d’une rare pénétration, mais son caractère avait des côtés faibles qui le plaçaient au-dessous de plusieurs des docteurs de son époque. Il connaissait bien ses qualités et ses défauts ; il les décrivit, un jour, en ces termes : « Des trois vœux que j’ai formés, deux seulement se sont réalisés : je me suis souhaité le savoir de Huna et la richesse de Hasda, et je les ai obtenus ; mais je n’ai pas pu acquérir la réserve et la modestie de Rabba bar Huna. » Râba ressemblait, en effet, à ses compatriotes de Mahuza : il aimait le luxe et se montrait en toute circonstance orgueilleux et hautain, excepté, peut-être, envers les gens de Mahuza, qu’il flattait beaucoup et dont il désirait vivement gagner et conserver les bonnes grâces. «Quand je fus nommé juge, dit-il, je craignis de perdre l’affection que me témoignaient les habitants de Mahuza, mon impartialité devant me faire forcément aimer ou haïr de tous. » Abaï semble avoir blâmé chez son collègue cet ambitieux désir de se rendre populaire au détriment de sa dignité. « Si un docteur est aimé de ses concitoyens, dit-il, il en est très souvent redevable, non à son mérite, mais à son indulgence pour leurs défauts. » — Les habitants de Mahuza, comme on l’a vu plus haut, descendaient pour la plupart de prosélytes, et les familles babyloniennes, très fières de leur origine, refusaient de s’allier à eux. Zeïra II les autorisa alors, dans une conférence publique, à contracter mariage avec des bâtardes. Froissés profondément, par cette autorisation, dans leur orgueil, ils se vengèrent de Zeïra en lançant contre lui — c’était la fête des cabanes — leurs cédrats. Râba blâma vivement la franchise de Zeïra : « Quelle imprudence, dit-il, de faire une telle déclaration dans une communauté dont la plupart des membres descendent de prosélytes ! » Pour gagner la faveur populaire, il combattit l’opinion de Zeïra et enseigna que des prosélytes pouvaient même épouser des filles de prêtres. Flattés de cette décision, les Mahuzéens en témoignèrent leur satisfaction à Râba en lui faisant don d’étoffes de soie. Râba reconnut un peu plus tard qu’il était allé trop loin, et pour diminuer en partie la considération qu’il avait