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qu’on choisirait celui qui en proposerait la meilleure solution. Abaï remporta la victoire dans ce tournoi et fut placé à la tête de l’école de Pumbadita. Ce docteur (né vers 280 et mort en 338), surnommé Nahmani, ne connut jamais ses parents. Son père, Kaïlil, mourut avant sa naissance, et il perdit sa mère peu de temps après qu’il fut venu au monde. Abaï conserva un souvenir reconnaissant de la femme qui l’avait élevé, il la désigna toujours sous le nom de « mère » et cita en son nom un grand nombre de recettes médicales. Son oncle Rabba lui tint lieu de père, s’occupa de son instruction, lui enseigna la Loi et l’initia à la dialectique talmudique. Abaï, comme son collègue Râba, faisait pressentir, dès sa jeunesse, qu’il serait un jour un savant distingué. On disait de lui que « l’on voit déjà par la fleur ce que sera le fruit. » — Abaï semble avoir été peu fortuné ; il possédait cependant, comme la plupart des docteurs babyloniens, un petit champ, qu’il faisait cultiver par un métayer. D’un caractère doux et conciliant, il se montrait très affable avec tout le monde : « Que l’homme, dit-il, parle avec douceur et bienveillance, vive en paix avec ses frères, ses parents et, en général, avec tous les hommes, même avec les païens, alors il sera aimé, estimé et écouté de tous. » Conformant sa conduite à ses paroles, il était respecté même des Samaritains de la Babylonie pour sa droiture et sa parfaite loyauté. Un jour qu’un de ses ânes s’était enfui, les Samaritains le lui ramenèrent, quoiqu’il ne pût leur prouver par aucun signe particulier que cet âne lui appartenait. « Si tu n’étais pas Nahmani, lui dirent-ils, nous ne t’aurions pas rendu cet âne, eusses-tu même pu nous prouver qu’il était à toi. »

Pendant qu’Abaï dirigeait l’école de Pumbadita, le nombre des élèves alla en décroissant et tomba jusqu’à 200 ; ce qui lui fit dire, pour indiquer ce déclin, qu’il était doublement orphelin. Non pas que l’ardeur pour l’étude se fût refroidie, mais à côté de l’école d’Abaï, Râba avait fondé à Mahuza, près du Tigre, une école rivale qui attirait de nombreux disciples. Sous l’impulsion que lui imprimèrent ces deux docteurs, l’enseignement babylonien atteignit son apogée ; la sagacité et la souplesse de leur esprit leur firent découvrir la solution de questions que leurs prédécesseurs Rabba et Joseph n’avaient pas pu résoudre.