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esprit plus calme et plus réfléchi, se consacra à l’étude plus aride et plus difficile des questions de casuistique. Rabba étant resté en Babylonie, ses frères, toujours inquiets de son sort, le supplièrent de venir en Judée. « Il n’est pas indifférent, lui firent-ils dire, qu’on meure en Judée ou hors de la Judée, le patriarche Jacob a demandé, lui aussi, à se faire enterrer dans la Terre Sainte. Quoique tu sois sage et intelligent, tu ferais des progrès bien plus rapides sous la direction d’un maître instruit qu’en restant livré à tes propres ressources. Tu ne peux pas nous objecter qu’il n’y a en Judée aucun docteur remarquable, nous en connaissons un qui a une grande valeur. » Rabba accéda au désir de ses frères et se rendit en Palestine ; mais, au bout de quelque temps, il retourna en Babylonie.

Après la mort de Juda, son maître (299), Rabba fut désigné comme chef de l’académie de Pumbadita ; par modestie, il déclina cet honneur. On nomma alors Huna bar Siyya à cette dignité. Ce docteur était tellement riche qu’il fournissait des sièges dorés pour tous les élèves de son école, lesquels étaient encore à cette époque au nombre de 400. Huna avait la ferme des douanes. Lorsque le Conseil de l’école en fut informé, il lui fit comprendre qu’il devait renoncer à une occupation, jugée alors comme méprisable, ou abandonner la direction de l’école. Huna préféra rester à la tête de l’académie ; seul, Joseph continua à ne pas reconnaître son autorité.

L’école de Pumbadita ayant décliné sous la direction de Huna, on chercha, à la mort de ce dernier, un docteur qui pût rendre à cette académie son ancien éclat. Deux hommes paraissaient capables de la relever et d’y attirer de nombreux disciples : Rabba et Joseph ben Hiyya, l’un par sa dialectique et l’autre par son érudition. Le choix était très embarrassant ; on demanda conseil aux savants de la Judée : « Lequel des deux a le plus grand mérite ? est-ce le Sinaï (l’homme érudit) ou le souleveur de montagnes (le dialecticien subtil) ? » L’école de Tibériade se prononça pour le premier. Joseph, qui était ainsi désigné pour la dignité de chef d’académie, hésita à l’accepter, parce qu’un Chaldéen, qui avait tiré son horoscope, lui avait prédit qu’il occuperait un jour une fonction élevée et qu’au bout de deux ans et demi il mourrait. On nomma alors, à sa place, Rabba (309).