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Ce fut à cette époque qu’on vit, pour la première fois, ce spectacle de plusieurs centaines d’évêques et d’anciens réunis à Nicée sous la présidence de l’empereur. Cette assemblée, qui devait être, en quelque sorte, la constatation matérielle du triomphe des chrétiens, ne servit qu’à faire ressortir leur faiblesse et leurs dissensions intestines. Car, au moment où le christianisme se présentait pour la première fois dans l’éclat de sa puissance temporelle et spirituelle, toute trace de son essence primitive avait disparu, il ne connaissait plus ni la doctrine essénienne de l’humilité, de la fraternité et du communisme, ni la moralité austère et les sentiments élevés des pauliniens, ni l’amour de l’étude et des recherches critiques des écoles alexandrines. Des controverses stériles, telles que la discussion sur l’identité de Christ le fils avec Dieu le père, allaient occuper dès lors une place prépondérante dans l’histoire de l’Église. Le concile de Nicée rompit le dernier lien qui rattachait encore la nouvelle religion au judaïsme en adoptant pour la célébration de la Pâque chrétienne, observée le plus souvent à la même époque que la fête de Péssah, c’est-à-dire au jour fixé par le Synhédrin, une date absolument indépendante du calendrier juif. « Il n’est pas convenable que pour la célébration de cette fête sacrée nous suivions l’usage des Juifs. — Maintenant, nous n’avons plus rien de commun avec la nation détestée des Juifs, notre Sauveur nous a tracé une autre voie. — Il serait cependant bien pénible que les Juifs pussent se vanter que sans leur enseignement (leur calendrier) nous ne serions pas en état de célébrer la Pâque. » Ces dernières paroles sont mises dans la bouche de l’empereur Constantin, et si lui-même ne les a pas proférées, elles n’en reflètent pas moins le sentiment qui inspirera dorénavant la conduite de l’Église envers les Juifs.

Constantin, conseillé sans doute par les évêques qui vivaient à sa cour, renouvela contre les Juifs le décret d’Adrien qui leur interdisait l’entrée de Jérusalem ; c’est seulement le jour anniversaire de la destruction du temple et contre le payement d’une somme d’argent qu’ils pouvaient dorénavant aller pleurer, au milieu des ruines du sanctuaire, sur la chute de la ville sainte. Il est très difficile d’admettre, comme l’affirme une légende chrétienne, que cette défense fut promulguée à la suite d’une tentative que firent