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même plus de bois pour faire cuire leurs aliments, ils sont obligés de brûler leur lit et, par conséquent, de se coucher par terre dans la poussière. Par mesure de propreté, ils consomment de grandes quantités d’huile, c’est pourquoi l’huile est si chère. »

Abbahu n’était pas versé dans les questions de casuistique, mais comme il jouissait d’une grande considération auprès des autorités romaines, ses collègues, par flatterie, ne lui faisaient aucune observation, même quand il se trompait dans son enseignement. Autant Simon ben Abba avait été sans cesse éprouvé, autant Abbahu fut toujours heureux, et la destinée le favorisa jusque dans sa vieillesse. Il avait deux fils très instruits, Abimaï et Hanina. Ce dernier se rendit à Tibériade, sur l’ordre de son père, pour y compléter son instruction ; là, il négligea l’étude pour être toujours prêt à rendre les derniers devoirs aux morts. Son père l’en réprimanda vivement dans une lettre qui est d’une concision remarquable : « T’ai je envoyé à Tibériade parce qu’il n’y avait pas de tombeaux à Césarée ? L’étude est supérieure à la pratique. » — Abbahu fut, en Judée, la dernière personnalité remarquable de l’époque talmudique. À sa mort, raconte la légende, les colonnes même de Césarée versèrent des larmes.

La Palestine avait produit pendant quinze siècles consécutifs des hommes éminents à des titres divers, des juges, des généraux, des prophètes, des soferim, des patriotes et des savants ; à l’époque où nous sommes, sa sève était tarie. Par contre, il régnait une activité extraordinaire dans les écoles fondées en Babylonie par Rab et Mar-Samuel. Pendant les cinquante années que ces docteurs dirigèrent ces écoles, l’enseignement religieux prit un essor considérable. Toutes les classes de la population se livraient alors à l’étude de la Loi avec une ardeur toute fraîche et s’efforçaient de conformer leur conduite aux principes qu’on leur enseignait ; elles témoignaient le plus vif respect aux savants et professaient un dédain profond pour les ignorants. Les mœurs des juifs babyloniens, autrefois si grossières, s’adoucissaient de plus en plus ; on mettait en pratique dans la vie privée, comme dans la vie publique, les prescriptions de morale enseignées par Rab et Mar-Samuel. La Babylonie jouissait en ce temps de nombreux droits, attachés autrefois exclusivement au sol de la Palestine, on y pré-