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Il était d’usage, en Judée, qu’en temps de sécheresse, le plus digne de la communauté récitait les prières prescrites pour demander de la pluie. À une époque de grande sécheresse, on recommanda à Abbahu pour cet office un homme de très mauvaise réputation que le peuple avait surnommé Cinq Péchés (Pentêkaka). Abbahu le fit appeler et lui demanda quelle était sa profession. « Je suis entremetteur, répondit-il, je nettoie le théâtre, j’apporte aux baigneurs leur linge, les divertis par mes farces et joue de la flûte. » — « N’as-tu jamais fait aucun bien dans ta vie ? » lui demanda Abbahu. — « Un jour que je nettoyais le théâtre, répliqua Pentêkaka, je vis une femme, appuyée contre une colonne, qui versait des larmes abondantes. Je lui demandai la cause de son chagrin, et j’appris que son mari était en prison et qu’elle ne pouvait trouver la somme nécessaire à sa rançon qu’en se laissant déshonorer. Aussitôt, je vendis mon lit, ma couverture et tout mon mobilier, j’en remis le prix à cette femme et lui dis : Avec cet argent tu pourras racheter ton mari sans être obligée de payer sa liberté du prix de ton déshonneur. » À ces mots, Abbahu dit à Pentêkaka : « Tu es seul digne de prier pour nous dans la détresse. »

Le théâtre se ressentait, à cette époque de décadence, de l’abaissement général des esprits, les pièces sérieuses en étaient bannies, on y représentait des farces pour amuser la foule, et le judaïsme était souvent le sujet de ces bouffonneries. Abbahu, qui était au courant de ce qui se passait dans les théâtres, se plaignait que les institutions juives fussent livrées aux railleries et à la risée des spectateurs. « On amène, par exemple, sur la scène, dit-il, un chameau couvert d’un drap noir, et alors se produit le dialogue suivant : Pourquoi ce chameau est-il en deuil ? — Parce que les Judéens observent rigoureusement l’année sabbatique, ne goûtent même à aucun légume et se contentent de manger des chardons ; le chameau est ainsi privé de sa nourriture, et il s’en afflige. — Ou bien le momus (bouffon) arrive sur la scène, les cheveux coupés. — Pour quelle raison Momus est-il en deuil ? — À cause de la cherté de l’huile. — Qui a causé cette cherté ? — Ce sont les juifs ; ils dépensent pour le sabbat tout ce qu’ils ont gagné pendant la semaine, et comme il ne leur reste