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Judéens, et lorsque Meïr vint déclarer que les Samaritains devaient être assimilés aux païens, le peuple ne tint nul compte de sa décision. Johanan lui même n’éprouvait aucun scrupule à manger de la viande des Samaritains. Ses successeurs furent plus sévères, et ils parvinrent à établir une séparation complète entre les Samaritains et les Judéens. Voici le fait qui aurait provoqué cette mesure : Abbahu ayant voulu faire venir du vin de Samarie, un vieillard l’informa que les habitants de cette contrée n’observaient pas les lois religieuses. Abbahu communiqua cette information à Ami et à Assi, qui se rendirent en Samarie, y firent une enquête et conclurent que les Samaritains devaient être considérés comme des païens. Cette séparation fut une cause de faiblesse pour les deux communautés. Le christianisme, plus prudent et plus actif, réunit toutes ses forces en un seul faisceau, conquit bientôt l’empire du monde et traita Judéens et Samaritains avec une égale rigueur. Quand le Golgotha eut atteint les hauteurs du Capitole, il écrasa de sa masse Sion et Garizim.

Abbahu, qui exclut définitivement les Samaritains de la communauté juive, n’était cependant pas un rigoriste ; sur certaines questions, ses vues étaient plus larges que celles de ses collègues. Il était très riche, son intérieur était somptueux, et il avait à son service des esclaves goths. Son industrie consistait à fabriquer des voiles de femmes. Il demeurait à Césarée, résidence du gouverneur romain. Les Judéens de cette ville ne parlaient que le grec et récitaient même la prière du Schema dans cette langue ; aussi Abbahu comprenait-il parfaitement le grec et s’entretenait-il dans cette langue avec des savants païens et chrétiens. Il fit même instruire sa fille dans la littérature grecque, alléguant pour sa justification l’opinion de Johanan. Simon ben Abba, qui était ennemi de toute culture profane, en blâma vivement Abbahu. « Comme il tient à faire enseigner le grec à sa fille, dit-il, il invoque l’autorité de Johanan. » Grâce à son vaste savoir, à la douceur de son caractère et à sa belle et imposante figure, Abbahu jouissait d’un grand crédit auprès du gouverneur romain et probablement aussi auprès de Dioclétien, et il employa, à plusieurs reprises, son influence auprès des autorités en faveur des juifs. Ainsi, pour ne citer qu’un seul cas, qui est en même temps un