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auprès de lui la veille de Kippour afin de se réconcilier avec lui. Pour écarter de son esprit toute pensée d’orgueil aux jours où les Judéens accouraient par milliers autour de sa chaire, il répétait ces paroles de Job : « L’homme, fut-il assez grand pour toucher au ciel, est abaissé en un clin d’œil, » et avant de se rendre au tribunal, il disait : « Je me livre volontairement à la mort ; je ne viens pas ici pour soigner mes intérêts, je retourne chez moi sans que j’aie obtenu aucun avantage. Plaise au ciel que je puisse revenir dans ma maison aussi innocent que j’en suis parti. » Il eut la joie de laisser un fils, Hiyya, très versé dans les questions dogmatiques, et de marier sa fille dans la famille de l’exilarque ; les enfants de cette fille furent plus tard des princes savants et respectés. Son deuxième fils, Aïbu, ne montrait aucune disposition pour l’étude ; entre autres conseils qu’il lui donna, il lui recommanda instamment de s’occuper d’agriculture : « Mieux vaut une petite quantité récoltée dans son champ qu’une grande quantité gagnée dans les affaires. » Rab resta pendant vingt-huit ans, jusqu’à sa vieillesse, à la tête de l’académie de Sora (219-247). Tous ses disciples accompagnèrent son corps jusqu’à sa dernière demeure, et, sur la proposition de l’un d’eux, la Babylonie prit le deuil pour une année entière ; pendant cette année, il n’y eut ni fleurs, ni guirlandes de myrte aux mariages. Tous les Judéens de la Babylonie, à l’exception d’un seul, Bar-Kascha, de Pumbedita, pleurèrent la mort de l’illustre Amora.

Rab eut comme ami et collaborateur Samuel ou Mar-Samuel, appelé également Aïoc et Yarhinaï. Ce docteur, qui contribua pour une part importante au relèvement du judaïsme babylonien, avait des idées plus originales et des connaissances plus variées que Rab. Dans sa jeunesse, il suivit le courant qui entraînait tous ceux qui avaient soif de science vers la Palestine ; il fréquenta l’école de Juda Ier. On raconte qu’il guérit une maladie d’yeux dont souffrait le patriarche, et que ce dernier ne lui accorda pas l’ordination. Il retourna en Babylonie avant Rab et, à la mort de Schèla, il fut élevé à la dignité de chef d’académie.

Mar-Samuel était un homme calme, sensé, ennemi de toute exagération. À la croyance de ses contemporains, qui pensaient que la venue du Messie serait précédée de nombreux miracles, il