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formes à la tradition (Talmud). Ainsi se présentait à l’activité des docteurs un vaste champ où ils pouvaient travailler librement au développement de la législation. Johanan accordait à la forme une plus grande importance qu’à la matière, il cherchait à éclairer les différentes prescriptions à la lumière de la raison et à les rattacher à des principes généraux, mais en procédant avec une modération prudente et non pas avec l’exagération des orateurs de la chaire judéo-alexandrine qui déduisaient de l’Écriture sainte et au besoin introduisaient eux-mêmes dans le texte sacré ce qu’il y avait de spécieux et de brillant dans la philosophie grecque. Il expliqua, entre autres, d’une façon fort sensée, la défense de se servir d’outils de fer pour la construction de l’autel : Le fer, dit-il, est le symbole de la guerre et de la discorde, l’autel, au contraire, est le symbole de la paix et du pardon ; le fer ne doit donc pas toucher à l’autel. Il s’appuya sur ce texte pour montrer les avantages considérables de la paix et le mérite de ceux qui cherchent à faire régner la concorde entre les époux, les cités, les familles et les peuples. C’était précisément cet amour de la paix qui l’avait décidé à se ranger du côté des Romains contre la révolution. Il expliqua de cette façon plusieurs autres lois et rendit clair ce qu’elles présentaient d’obscur et d’étrange pour la raison et le cœur. Johanan avait aussi de fréquents entretiens avec des païens auxquels leurs relations avec les Judéens ou la traduction grecque de la Bible avaient fourni quelques notions sur le judaïsme, il réfutait leurs objections et leur faisait comprendre par d’heureuses comparaisons les singularités de certains commandements. Il était, comme Hillel, affable et doux même envers les gentils, et on raconte de lui que s’il en rencontrait, c’était lui qui les saluait le premier. Une telle affabilité forme un contraste frappant avec la haine que les zélateurs ressentaient pour toute la gentilité avant et après leur révolte, haine qui grandit encore après la destruction du temple.

Le verset des Proverbes (xiv,10) : La vertu des peuples est un péché était interprété à cette époque dans son sens littéral, avec une prévention manifeste contre les gentils. Les païens, disait-on, seront traités comme des pécheurs, même s’ils se montrent bons et généreux envers nous, car ils ne nous traitent avec bienveillance que pour nous humilier. L’explication que Joha-