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(représentant des Grecs) du manteau des philosophes (pallium). » Ce fut aussi Johanan qui permit de décorer les appartements de peintures.

Johanan était hostile aux autorités romaines ; il flétrissait avec énergie leur arrogance insolente et leur rapacité. Il prétendait que la quatrième bête de la vision de Daniel, cette vision qui fut tant et tant de fois interprétée par les juifs et surtout par les chrétiens, représentait l’empire romain. La petite corne de la bête indique, selon lui, Rome la pécheresse, qui a détruit les autres puissances ; les yeux de cette corne, semblables à des yeux humains, signifient les regards d’envie que les Romains jettent sur le bien d’autrui. Ils confiaient, en effet, aux gens riches une fonction publique pour les obliger à subvenir de leur fortune à l’entretien de la ville ou de la province. « Si on te propose une dignité, dit Johanan, abandonne la ville et établis-toi près du désert du Jourdain. » Il permettait même aux Judéens de quitter la Palestine, ce qui était, en général, sévèrement interdit, pour se soustraire aux fonctions publiques.

Le malheur frappa durement Johanan, la mort lui enleva ses dix fils. Il portait constamment sur lui un morceau d’os de son dixième enfant, et, par ce témoignage matériel des douloureuses épreuves qui l’avaient affligé, il consolait ceux qu’un deuil avait atteints. « Voici, leur disait-il, ce qui me reste de mon dixième fils. » Ce docteur, orphelin dès sa naissance, mourut presque sans postérité ; de sa nombreuse famille, il n’avait plus qu’une seule fille. La mort de son ami et beau-frère, Bar Lakisch, dont il s’accusa d’avoir hâté la fin, lui causa un violent chagrin ; il en fut si profondément affecté qu’il eut, dans sa vieillesse, des moments de folie.

Simon bar Lakisch ou Resch Lakisch, comme on l’appelait par abréviation, était, dans les controverses juridiques, en opposition constante avec Johanan. Il paraît être né dans la ville de Bostra. Il vit encore Juda Ier et il se forma à l’école des successeurs de ce patriarche. Il réunissait en lui les qualités les plus opposées ; à côté d’une vigueur corporelle étonnante, il était doué d’une âme compatissante et d’un esprit singulièrement pénétrant. Pendant quelque temps, il professa un métier infime