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opposition l’empêcha de faire accepter ses autres réformes. Il réussit cependant à supprimer encore une pratique instituée pendant les guerres néfastes d’Adrien : il fut de nouveau permis aux fiancées de se faire porter, le jour de leur mariage, dans des litières de luxe.

Les docteurs témoignaient au patriarche un profond respect, mais ils ne fermaient nullement les yeux sur ses faiblesses, et ils avaient le courage de le réprimander à l’occasion. Le patriarcat était devenu une dignité presque royale ; Juda II avait attaché à sa personne une garde du corps qu’il chargeait de faire exécuter ses ordres. Ces allures de souverain déplaisaient aux docteurs, d’autant plus que le patriarche les traitait avec peu de ménagement. Ainsi, il abolit certains privilèges qui, dans la vie civile, plaçaient les savants au-dessus du reste de la population, et il les obligea à payer des impôts municipaux. Simon bar Lakisch, un de ces docteurs qui sacrifiaient toute considération de personne à l’amour de la vérité, s’éleva énergiquement contre cette façon de traiter les savants et attaqua Juda avec violence. Un jour, Bar Lakisch soutint à l’école cette opinion qu’un patriarche qui aurait commis une faute devrait être flagellé comme tout autre coupable. Un autre docteur, Haggaï, fit observer qu’il serait même nécessaire de destituer le patriarche après la flagellation, autrement il se vengerait de ceux qui l’auraient condamné à ce châtiment. Cette discussion était évidemment dirigée contre Juda. Dans un premier mouvement de colère, le patriarche donna ordre à ses esclaves goths d’aller s’emparer du téméraire qui avait osé l’attaquer ; Johanan, le chef de l’école, parvint à l’apaiser. Une autre fois, Juda se plaignit à Bar Lakisch de la rapacité des fonctionnaires qui s’étaient emparés, après la mort d’Alexandre Sévère, de l’administration romaine, et qui exerçaient les plus honteuses déprédations : « Prie pour moi, lui dit-il, car le gouvernement romain me traite avec une rigueur excessive. » — « Ne prends rien, et on ne te prendra rien, » répliqua Bar Lakisch. Sous cette réponse se cachait probablement une attaque contre une innovation introduite par Juda II. Avant lui, les patriarches n’étaient pas payés par le peuple ; ils étaient assez riches pour pouvoir vivre des revenus de leur fortune personnelle. Juda Ier