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supposer que les lois rituelles forment la base et la partie essentielle du judaïsme. Par suite de cette prépondérance accordée à ces lois, au détriment de la morale, et par suite de cette tendance à considérer la religion comme un ensemble d’actes purement extérieurs dont l’accomplissement nous est imposé par contrainte, la rédaction de la Mischna a nui au judaïsme, dont elle a fait méconnaître le vrai caractère. Cette fausse conception de la religion juive a prévalu chez les Judéens pendant de nombreux siècles, et aujourd’hui encore elle n’a pas disparu.

S’il est vrai, comme semblent l’affirmer certaines traditions historiques, qu’à la mort du patriarche Juda les souffrances des Judéens s’aggravèrent, elles ne durèrent, en tout cas, que jusqu’après la mort de l’empereur Sévère. Celui-ci, qui avait pris également le nom de son prédécesseur Pertinax, et dont on disait qu’il méritait bien de s’appeler Severus et Pertinax (cruel et entêté), en voulut aux Judéens jusqu’à la fin de sa vie (219) de l’émeute que quelques écervelés avaient fomentée parmi eux. Lui mort, la situation des Judéens s’améliora, et ils furent relativement tranquilles jusqu’à l’époque où le christianisme arriva au pouvoir. Sous le règne des trois premiers successeurs de Sévère, Rome subit l’influence des mœurs syriennes. Les mères de ces empereurs, qui dirigeaient la politique romaine, Julie Donna, femme de Sévère, sa sœur, Julie Maesa, et les filles de cette dernière, Julie Soemia, mère d’Héliogabale, et Julie Mammée, mère d’Alexandre Sévère, étaient toutes originaires de la Syrie (Emesa), et leurs enfants introduisirent à Rome des dieux et des pratiques empruntés à leur pays. En Syrie, les Judéens entretenaient des relations cordiales avec les autres habitants ; il y avait particulièrement à Emesa, lieu d’origine des successeurs de Sévère, des prosélytes juifs très riches ; l’entourage de ces empereurs était donc habitué à traiter les Judéens avec justice et bienveillance. Caracalla accorda les droits de citoyen à tous les habitants de l’empire romain, et s’il ne parvint pas à la faire disparaître complètement, du moins il effaça en grande partie la distinction qui existait entre latins et non-latins. Il avait un compagnon d’enfance juif auquel à témoignait une profonde sympathie. Son neveu ou son fils, l’empereur Héliogabale, qui souilla