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pour visiter le sud de son royaume, les docteurs étaient allés à sa rencontre pour contempler ses traits, comme s’ils avaient voulu graver profondément dans leur souvenir l’image du dernier roi judéen. Agrippa approuva l’activité que déployait Johanan pour organiser une école à Jabné, il remarqua avec une vire satisfaction que l’étude de la Loi absorbait toute l’attention de l’impétueuse jeunesse judaïque et la détournait des projets de conspiration et de révolte. Johanan réussit par son enseignement à raffermir les fondements ébranlés du judaïsme, il exerça une action profonde sur ses disciples qu’il pénétrait de son esprit et nourrissait de sa science. Nous connaissons les noms de cinq de ces disciples, dont trois appartiennent à l’histoire, Éliézer et Josua, qui avaient porté leur maître, dans un cercueil, hors des murs de Jérusalem, et Éléazar ben Arak, le plus savant d’entre eux, dont il a été dit plus tard que s’il était mis dans le plateau d’une balance et ses condisciples dans l’autre plateau, il l’emporterait sur tous. Souvent Johanan aimait à soumettre à ses disciples des questions d’un sens profond qui développaient en eux l’habitude de la réflexion. C’est ainsi qu’un jour il leur demanda quel était le don qu’ils jugeaient le plus précieux et le plus souhaitable pour l’homme. L’un répondit : Le contentement ; l’autre, un ami sincère ; un troisième, un bon voisin ; le quatrième, la faculté de prévoir les conséquences de ses actes. Éléazar dit : Ce que l’homme peut posséder de plus précieux, c’est un bon cœur, et le maître applaudit à cette sentence inspirée de ses doctrines, et qui résumait ce qu’avaient dit les autres disciples.

Quel était donc l’enseignement de Johanan dans l’école de Jabné ? Hillel, l’illustre docteur, le modèle des savants pour les générations postérieures, avait imprimé au judaïsme un caractère propre, ou pour mieux dire, il avait développé et organisé ce qui est l’essence même du judaïsme, et il avait ainsi créé une théorie particulière, une sorte de théologie judaïque ou plutôt une nomologie (science des lois religieuses). Il avait éloigné l’étude de la Loi des orageuses discussions des partis pour la transporter dans le calme de l’école, il l’avait surveillée avec une attention minutieuse, et avait essayé de la soumettre aux lois de la pensée, qui paraissaient inapplicables à un tel enseignement. De nombreuses prescriptions reposaient