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ment destinée au patriarche. Il exhorta son successeur à se montrer sévère pour les disciples et, bien que lui-même eût établi le principe de n’en jamais ordonner que deux à la fois, à accorder l’ordination à tous ceux qui lui en paraîtraient dignes. Il pria le Synhédrin de ne pas lui faire des obsèques exceptionnelles, d’empêcher les villes de célébrer en son honneur des cérémonies funèbres et de ne laisser fermée l’école que pendant un mois. Il mourut dans un âge très avancé (vers 210). À la douloureuse nouvelle de la mort prochaine du patriarche, une foule considérable accourut anxieuse des villes voisines à Sepphoris ; elle ne crut pas possible que ce fatal dénouement pût se produire, et elle menaça de tuer le messager qui annoncerait le triste dénouement. Bar-Kappara informa le peuple, d’une façon détournée, que Juda avait cessé de vivre. Il se présenta la tête voilée, les habits déchirés, et dit : « Anges et hommes se sont disputé la possession de l’arche sainte ; les anges ont triomphé, et l’arche a disparu. — Il est mort ! s’écria la foule avec une douleur poignante. — C’est vous qui le déclarez, » répliqua Bar-Kappara. Un convoi immense accompagna le corps de Juda de Sepphoris à Bet-Schearim ; l’éloge du patriarche fut prononcé dans dix-huit synagogues. L’autorité de Juda avait été considérable ; prêtres et docteurs avaient accepté la suprématie de celui qui personnifiait, en quelque sorte, l’enseignement religieux. Après sa mort, il fut surnommé le saint (hakadosch).

La vénération que les contemporains de Juda professaient pour ce docteur rejaillit sur son recueil de la Mischna. Cet ouvrage jouit d’une très grande considération dans les écoles et particulièrement auprès de ses disciples de Babylonie. Les anciens recueils de lois, qui n’avaient été conservés que par la mémoire, tombèrent dans l’oubli. Quelques disciples n’admirent cependant pas sans réserve l’autorité de la Mischna, où ils reconnurent des erreurs, des contradictions et des lacunes considérables. Le désir de compléter et de corriger la Mischna engagea quelques docteurs à composer de nouveaux recueils. Parmi ces docteurs, il faut citer Hiyya, de Babylonie, homme modeste, vertueux et savant, doué d’une mémoire prodigieuse, qui se rappelait fidèlement toutes les anciennes halakot, et qui avait collaboré à l’œuvre de Juda, Lévi ben Sissi, docteur d’une excessive timidité, et le poète caus-