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pour comprendre la grandeur du judaïsme. Pendant que la peste dévastait l’empire, il exigea que les pratiques du culte païen fussent très rigoureusement observées, et il alla jusqu’à élever son collègue, qui venait de mourir, au rang de dieu et à lui consacrer un autel et des prêtres. Et l’on prétend que cet empereur, que toute sa philosophie n’a pu guérir des superstitions romaines, fut l’ami du patriarche Juda !

La situation des Judéens, si précaire sous Marc-Aurèle, devint bien plus douloureuse sous le règne de son fils, le voluptueux et sanguinaire Commode. Le gouverneur que cet empereur avait placé à la tête de la Syrie, le rude Pescennius Niger, les traita avec une dureté excessive. Ils lui demandèrent un jour de diminuer les impôts, qui étaient devenus écrasants pour eux, il leur répondit, avec cette brutalité toute particulière aux proconsuls romains : « Comment ! vous voulez que j’exempte vos terres d’impôts ! Mais je voudrais pouvoir imposer l’air même que vous respirez ! » Cette situation s’assombrit encore pendant les années agitées qui suivirent le meurtre de Commode et celui, qui eut lieu trois mois plus tard, de l’empereur Pertinax (décembre 192 — mars 193). Il se présenta à la fois quatre candidats à l’empire, partout s’alluma la guerre civile, et la Rome corrompue et chargée de crimes fut affaiblie et ruinée par les déchirements intérieurs. La pourpre impériale était tellement avilie qu’elle fut mise à l’encan par la garde prétorienne, et l’heureux acquéreur, Didius Julianus, paya de sa vie le court bonheur de l’avoir possédée (juin 193). Mais il restait encore trois rivaux qui se disputaient l’empire : Pescennius Niger, en Syrie ; Sévère, du Danube, et Albinus, de la Bretagne. La lutte des deux premiers eut son contrecoup en Palestine. Les Samaritains de Néapolis (Sichem) se déclarèrent pour Pescennius ; les Judéens, que ce dernier avait persécutés, s’attachèrent à la cause de Sévère. Il y eut de fréquentes collisions entre les deux partis, qui se haïssaient, du reste, depuis fort longtemps, et des deux côtés tombèrent de nombreuses victimes. Septime Sévère l’emporta enfin sur son rival (fin 194). Comme tous les chefs de parti, il châtia cruellement les vaincus et récompensa ses propres partisans. Les Samaritains de Néapolis perdirent tous leurs droits de cité ; les Judéens, au contraire,