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y a insuffisance de blé, on peut se nourrir de légumes, et qu’il n’y a aucune raison de transgresser une loi religieuse. Juda comprit et renonça à son projet.

L’œuvre qui a fait briller le nom de Juda d’un très vif éclat et lui a assuré l’immortalité est la rédaction de la Mischna (vers 184). Depuis qu’on avait mis par écrit, sous le nom d’Adoyot, un certain nombre de décisions juridiques, la loi orale avait pris un développement considérable, on avait établi de nouvelles pratiques déduites soit de prescriptions déjà existantes soit de versets de la Tora. Dans les controverses des diverses écoles, de nombreux points de doctrine n’avaient pas été élucidés, de nombreuses questions étaient restées sans solution. Juda prit pour base de son travail la compilation d’Akiba complétée et mise en ordre par Meïr. Il examinait soigneusement le pour et le contre de chaque opinion, et il fixait définitivement les lois d’après certains principes. Il essaya de grouper méthodiquement les diverses halakot relatives aux prières et formules eulologiques, aux prélèvements à faire sur les produits du sol, au sabbat, aux fêtes et aux jeûnes, au mariage, aux vœux et au naziréat, au droit civil et pénal, aux sacrifices, à la pureté lévitique et à maint autre objet. Mais il ne réussit pas à suivre dans son recueil un ordre rigoureux, parce que la matière elle-même ne comportait pas cet ordre, et aussi parce qu’il voulait s’en tenir aux divisions adoptées par ses prédécesseurs.

La Mischna de Juda est écrite dans un style concis, l’expression est ingénieuse, pittoresque, et elle se grave facilement dans la mémoire. La langue de ce recueil est un hébreu abâtardi, mélangé de nombreuses expressions araméennes, grecques et latines. Juda avait une prédilection marquée pour la langue hébraïque, par contre il montrait une vive antipathie pour la langue syrienne, qui était parlée par les habitants de Galilée, cette langue n’étant pas soumise, à ses yeux, à des règles suffisamment précises. L’hébreu était encore en usage en Judée, principalement dans les villes. La servante de Juda connaissait si bien cette langue que souvent des disciples du dehors lui demandaient le sens de mots hébreux qui leur étaient inconnus. On maniait l’hébreu avec une grande facilité, et certaines idées, notions