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Meïr lui répliqua : « Retourne, toi aussi. » — « Même s’il y a miséricorde à tous les péchés, répondit Ahèr, mes fautes à moi ne me seront jamais pardonnées, Dieu m’a accordé tous les dons de l’esprit et je les ai employés pour le mal. » Quand plus tard Ahèr tomba malade, Meïr alla le voir et le pressa de faire pénitence ; il se flatta de l’avoir amené au repentir avant sa mort. Une légende ajoute que Meïr étendit son manteau sur la tombe d’Ahèr, d’où montait une colonne de fumée, et prononça ces paroles, imitées d’un verset de Ruth : « Reste couché ici-bas dans la nuit ; lorsque brillera l’aurore de la béatitude, le Dieu de miséricorde te délivrera, s’il ne te sauve pas, c’est moi qui serai ton rédempteur. »

Meïr fréquentait beaucoup un philosophe païen, probablement Euonymos de Gadara. Les docteurs, étonnés qu’un gentil connût le judaïsme, disaient que Dieu avait communiqué de sa sagesse aux deux plus grands philosophes de la gentilité, à Biléam et à Euonymos, afin qu’ils pussent instruire les peuples. Euonymos ayant perdu ses parents, Meïr lui rendit visite pour lui exprimer ses condoléances. Ce docteur émit, du reste, cette opinion qu’un païen qui étudiait la Tora avait autant de mérite qu’un grand prêtre juif, car il est dit dans l’Écriture sainte : « Tels sont les commandements que l’homme doit observer pour vivre ; » et le terme homme comprend tout le monde, israélites et païens. Il ne faudrait cependant pas conclure de ces paroles que Meïr estimait plus haut l’étude de la Loi que la possession de la nationalité juive, car il déclara que ceux qui demeuraient en Judée et parlaient la langue sacrée seraient récompensés dans l’autre vie. Par suite de ses relations avec des savants non juifs, Meïr paraît s’être familiarisé avec le stoïcisme, qui était à cette époque la philosophie dominante chez les lettrés romains. Mais le mérite que les stoïciens attribuaient à leur doctrine, Meïr l’attribuait à la Tora : il prétendait qu’elle aidait l’homme à marcher vers la perfection et à atteindre l’idéal. « Celui qui étudie la Tora pour elle-même, dit-il, acquiert de nombreux avantages : il est aimé de tous, il aime Dieu et les hommes, devient pieux et modeste, juste, intègre et loyal, s’éloigne du péché, se rapproche de la vertu, gagne l’estime et le respect de ses semblables, supporte les offenses, pardonne les injures et s’élève au-dessus du reste des hommes. » Tel était pour Meïr l’idéal du sage.