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importance aux usages reçus qu’au simple raisonnement. Certaines localités, où demeuraient des docteurs célèbres, avaient en effet adopté quelques usages établis par ces docteurs et que le patriarche s’efforçait de faire pénétrer dans le peuple comme lois générales. Il voulait aussi que toute sentence prononcée dans une question religieuse par un tribunal, fût-elle erronée, restât définitive parce qu’autrement les juges perdraient toute autorité. Il émit cette maxime d’une rare élévation : « Le monde repose sur trois principes fondamentaux : la vérité, la justice et la paix. »

La personnalité la plus remarquable de cette époque était, sans conteste, Meïr, dont l’intelligence profonde, la raison vigoureuse et les connaissances étendues rappelaient son maître Akiba. Son vrai nom, tombé dans un complet oubli, était Miasa ou Moïse (prononciation grecque de Mosé). Une légende, qui est sujette à caution, le fait descendre d’une famille de prosélytes et même de l’empereur Néron, qui aurait échappé à ses meurtriers et se serait converti au judaïsme. Ce qui est certain, c’est que Meïr est né dans l’Asie Mineure, très probablement dans la Cappadoce, à Césarée. Il gagna sa vie en faisant des copies des livres saints, et il était tellement familiarisé avec les difficultés si nombreuses de l’orthographe hébraïque, qui élèvent la profession de copiste de la Bible presque à la hauteur d’un art, qu’il transcrivit un jour de mémoire sans une seule faute tout le livre d’Esther. Ce métier lui rapportait trois sicles par semaine, il en consacrait deux tiers aux besoins de sa famille et le troisième tiers à l’entretien d’élèves indigents. Il avait épousé Beruria (Valérie), fille de Hanina ben Teradion, qui était très instruite et dont Josua même louait les connaissances juridiques. Meïr fréquenta pendant quelque temps l’école d’Ismaël, mais l’enseignement sec et aride de ce docteur lui déplut, il devint alors le disciple d’Akiba, dont la méthode influa profondément sur sa direction d’esprit. Meïr était encore très jeune quand son maître, le préférant à Simon ben Yohaï, lui accorda l’ordination. Mais on ne voulut pas en tenir compte à cause de son âge. Meïr fit une allusion malicieuse à ce fait dans la sentence suivante : « Ne considérez pas le vase, mais son contenu, souvent des vases neufs sont remplis de vin vieux, il arrive aussi que des vases vieux ne contiennent pas même du vin nou-