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velle direction, et parvint à lui rendre son unité et sa vigueur.

Johanan n’était pas, à vrai dire, un disciple de Hillel, mais il était animé de son esprit. Quand les Judéens formaient encore une nation, il siégeait au Synhédrin et enseignait à l’ombre du sanctuaire ; son école à Jérusalem jouissait, paraît-il, d’une grande autorité. Seul, il savait opposer des arguments victorieux aux raisonnements des Sadducéens, et détruire leurs creuses théories par une pénétrante dialectique. Par suite de son caractère et de ses sentiments de modération, il s’était rapproché, pendant la tourmente révolutionnaire, du parti de la paix, et, à maintes reprises, il avait exhorté le peuple et les zélateurs à livrer la ville et à se soumettre à la domination romaine. Pourquoi, disait-il aux agitateurs, voulez-vous détruire la cité et livrer le temple aux flammes ? Malgré sa grande autorité, il n’eut aucune prise sur l’esprit des zélateurs, qui repoussèrent tous ses avertissements. Les espions que le général romain entretenait dans la ville assiégée ne manquèrent pas de l’informer que Johanan était ami des Romains et conseillait aux chefs de l’insurrection de faire la paix. Les nouvelles de la ville étaient écrites sur de petits billets qu’on lançait au moyen de flèches dans le camp romain. Johanan, par crainte des zélateurs, ou peut-être par simple prévoyance et dans l’intention de préparer un refuge à l’étude de la Loi, conçut le projet de se rendre auprès de Vespasien (Titus). Mais la vigilance jalouse des zélateurs rendait l’exécution de ce projet bien difficile. Johanan, de connivence avec le chef des zélateurs, qui était son parent, résolut alors d’user d’un stratagème. Il se fit passer pour mort, se fit déposer dans un cercueil, et, au crépuscule, ses disciples Éliézer et Josua le portèrent hors de la ville. Vespasien accueillit le fugitif avec bienveillance, et lui permit de lui adresser une demande. Johanan le pria de l’autoriser à ouvrir une école. Vespasien accéda de bonne grâce à une requête qui lui paraissait si modeste ; il ne pouvait pas prévoir que par un acte aussi simple que l’ouverture d’une école, le judaïsme, faible et désarmé, serait mis en état de survivre de plusieurs milliers d’années au colosse romain. À en croire la tradition juive, Vespasien aurait accueilli la demande de Joha-