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condamnés, on leur enfonçait des roseaux pointus sous les ongles, on enveloppait de laine mouillée la poitrine de ceux qui devaient monter sur le bûcher, pour prolonger leur supplice ; en un mot, on infligeait à ces malheureux des traitements féroces dont le seul souvenir fait aujourd’hui encore tressaillir d’horreur.

Malgré ces odieuses persécutions, les Judéens essayaient souvent de tromper la surveillance vigilante des autorités romaines, et ils y seraient parvenus assez facilement, si leurs moindres gestes n’avaient pas été épiés par des délateurs juifs. Ces misérables appartenaient, les uns, à cette classe abjecte d’hommes sans foi ni loi qui commettent pour de l’argent les plus horribles forfaits, les autres, à la communauté des judéo-chrétiens, qui voulaient montrer par là aux Romains qu’il n’y avait rien de commun entre eux et les juifs, d’autres, enfin, à une secte qui travaillait avec acharnement à la destruction et à l’anéantissement de la religion juive. Un des plus implacables parmi ces derniers était Ahèr. Ce fut surtout lui qui apprit aux autorités romaines à reconnaître les actes que les Judéens considéraient comme religieux. Les espions étaient ainsi initiés à toutes les pratiques juives et flairaient de loin l’accomplissement d’une cérémonie interdite. Le bruit d’un moulin à bras leur annonçait la préparation de la poudre nécessaire à la guérison d’un enfant nouvellement circoncis, les illuminations leur indiquaient la célébration d’un mariage, et ils se guidaient d’après ces indices pour surprendre les Judéens et les dénoncer aux tribunaux.

Adrien et ses lieutenants faisaient surveiller et punissaient avec une sévérité particulièrement rigoureuse les réunions des docteurs et l’ordination des disciples. Ils avaient sans doute été informés que ces deux faits suffiraient pour maintenir intacte la doctrine juive et soutenir le courage des Judéens. Il était certain que si les Romains parvenaient à arrêter l’enseignement de la Loi, à rompre la chaîne des traditions et à empêcher la préparation et la formation de nouveaux docteurs, le judaïsme serait atteint dans sa force vitale et dans son existence. Aussi menaçaient-ils les docteurs qui tiendraient des écoles ou accorderaient l’ordination à leurs élèves de leur appliquer, avant de les faire mourir, les plus épouvantables supplices, et de rendre les communautés elles-mêmes