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c’étaient les amis de la puissance romaine qui, dès l’ouverture des hostilités, n’avaient montré aucune sympathie pour la cause nationale ; c’étaient les partisans de la paix, pour qui le judaïsme avait une autre mission que celle de lutter à main armée ; c’étaient encore les sages et les gens de réflexion, qui avaient vu dans la guerre contre Rome un suicide ; c’étaient enfin les désabusés, qui avaient d’abord considéré comme le plus sacré des devoirs de briser le joug si pesant des Romains et qui, effrayés par la lutte des partis, avaient déposé les armes et s’étaient réconciliés avec l’ennemi. Ces faibles restes de la population de la Judée ainsi que les Judéens de la Syrie avaient espéré que Titus respecterait le temple, centre du culte et de la religion, et que le sanctuaire placé sous l’égide divine serait protégé contre toute destruction. L’incendie du temple, qui leur enleva tout espoir et tout courage, agit sur eux de façons bien diverses. Les uns s’imposèrent à la suite de cet incendie une vie de pénitence, s’abstinrent de manger de la viande et de boire du vin ; les autres, pour remplir le vide qu’avait produit dans leur cœur et leur pensée l’abolition des sacrifices, entrèrent dans la jeune communauté chrétienne. Le judaïsme, qui n’avait plus ni culte ni centre, était menacé dans son existence. Jusqu’alors, les communautés de Syrie, de Babylonie, de Perse, d’Asie Mineure et de Rome, et en général celles d’Europe, avaient dirigé leurs regards vers Jérusalem et le Sanhédrin d’où elles recevaient la direction, l’enseignement et les lois. La seule communauté indépendante, celle d’Alexandrie, avait vu disparaître avec le temple d’Onias sa force et son influence. Qu’allaient devenir le peuple juif et le judaïsme ? Le Synhédrin, le seul pouvoir législatif de la nation juive tout entière, était tombé avec Jérusalem. Qui s’élèverait donc sur ces ruines pour sauver le judaïsme ? Un homme se rencontra à cette époque qui semblait créé tout exprès pour lutter contre la destruction, donner un nouvel essor à l’esprit du judaïsme et faire pénétrer dans le peuple juif une nouvelle vigueur. Ce sauveur s’appelait Johanan ben Zakkaï. Comme les prophètes de l’exil de Babylone après la première chute de Jérusalem, mais par des moyens différents, ce docteur, aidé de ses disciples, sauva la nation judaïque de la ruine, la réveilla de son engourdissement, lui imprima une nou-