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Il avait tellement vanté son caractère aimable et sa fine intelligence, que Ptolémée Évergète était curieux de le connaître. Le roi trouva tant de charme à sa conversation, qu’il l’invita aux dîners de la cour. Les envoyés de Palestine et de Phénicie, qui naguère s’étaient moqués de son modeste équipage, virent alors, non sans dépit, qu’il était admis dans l’entourage intime du roi. Joseph allait bientôt leur donner l’occasion, non plus seulement de le jalouser, mais de le détester et de le maudire.

Pendant son séjour à Alexandrie, les soumissionnaires de l’impôt y étaient venus de toutes parts pour faire leurs offres de fermage en présence du roi et de la cour. Tous avaient le même intérêt, à savoir d’offrir aussi peu que possible. Joseph se mit inopinément de la partie, ayant bien compris que tous ces concurrents s’entendaient, par un accord tacite, pour frauder le trésor royal ; et il s’engagea, lui, à fournir le double de la somme et même, au besoin, davantage. Les assistants tournaient des yeux effarés vers cet audacieux Judéen, qui auprès d’eux avait l’air d’un mendiant, et qui semblait les défier. Le roi Évergète, au contraire, fut charmé de cette surenchère inattendue ; mais il exigea une caution valable pour l’exécution de l’engagement. Fin comme un courtisan, Joseph déclara vouloir fournir les meilleurs garants possibles, savoir le roi et la reine. Cette ingénieuse flatterie plut à Évergète, et il vit dans l’adresse même du Judéen, dans sa résolution, dans sa hardiesse, la plus sûre garantie de la plus-value promise. C’est ainsi que le fils de Tobie devint le fermier général de l’impôt de toutes les villes de la Cœlé-Syrie et de la Phénicie. Le roi lui accorda même, sur sa demande, un corps de deux mille mercenaires, qui devaient lui prêter main-forte pour le recouvrement des impôts. De fait, il exerça impitoyablement sa charge, châtia avec une rigueur sanguinaire les habitants, même grecs, qui refusaient de s’exécuter, et contraignit chacun à l’obéissance. Cette conduite le rendit odieux, lui et son peuple, aux voisins de la Palestine, mais c’était là son moindre souci : plus ses rigueurs assuraient la rentrée de l’impôt, plus elles augmentaient les sympathies de la cour d’Égypte à son égard.

Joseph exerça vingt-deux ans cette administration générale des impôts, — une sorte de satrapie, — et il en profita pour acquérir