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souple et rusé, d’une conscience facile et supérieure aux scrupules, le fils de Tobie était né pour la domination. Mais, de par la règle établie, le grand prêtre, chef politique, était là qui lui barrait le chemin. L’occasion était propice pour écarter cet obstacle. Sitôt que Joseph eut vent de l’arrivée d’un envoyé de Ptolémée à Jérusalem et de son langage menaçant, il courut de son lieu natal à Jérusalem, accabla de reproches son oncle Onias, l’accusant de compromettre gravement le peuple par son attitude ; et, voyant le grand prêtre inflexible, offrit de se rendre à Alexandrie pour y entamer des négociations. Joseph n’en eut pas plus tôt obtenu l’autorisation qu’il assembla le peuple dans le parvis du temple, le rassura sur les périls de la situation et insinua que lui seul méritait sa confiance, que lui seul était capable de le sauver. L’assistance accueillit ce discours par des acclamations et des actions de grâces, et déclara Joseph chef officiel de la nation (230). Depuis lors il manœuvra avec une singulière vigueur, comme s’il ne faisait que suivre un plan longtemps mûri à l’avance. Il connaissait bien les faiblesses des Grecs ; il savait qu’ils n’étaient insensibles ni à la flatterie ni à la bonne chère. Il offrit des repas succulents à l’envoyé Athénion, le captiva par ses obséquieuses prévenances, lui fit de riches présents, le décida enfin à s’en retourner tranquillement à la cour d’Égypte et à assurer au roi que lui, Joseph, le suivrait de près pour acquitter les tributs arriérés. Dès que l’envoyé eut quitté Jérusalem, Joseph négocia avec des amis ou des usuriers samaritains, pour obtenir un prêt destiné à subvenir aux dépenses qu’il jugeait nécessaires. Pour paraître convenablement à la cour, il lui fallait de riches costumes, un équipage, les moyens de tenir table. Or, des moyens personnels, Joseph n’en avait point, et il n’aurait trouvé personne, dans toute la Judée, qui pût lui avancer de l’argent. La population ne vivait que d’agriculture et de jardinage, ne faisait point de commerce et n’avait pas eu occasion, jusqu’alors, d’amasser des richesses. Force était donc à Joseph d’avoir recours aux financiers samaritains, qui s’adonnaient au commerce et avaient acquis de l’aisance.

Une fois en position de paraître à la cour, il courut à Alexandrie. Déjà l’envoyé Athénion lui avait préparé un accueil bienveillant.