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demeure au temple, ramasser dans les rues une ignoble nourriture pour tromper sa faim dévorante. Pour que rien ne manquât à la réalisation de la sombre peinture tracée d’avance par le grand prophète, une scène se produisit qui remplit d’horreur les ennemis eux-mêmes. Une femme nommée Miryam, qui s’était réfugiée de la Pérée à Jérusalem, tua son propre enfant et en mangea la chair. Les cadavres amoncelés dans la ville, se décomposant rapidement dans cette chaude saison, répandaient une odeur fétide et engendrèrent la peste, nouveau fléau qui rivalisa avec la famine et l’ennemi pour décimer la population. Mais les Judéens supportèrent tous ces maux avec un courage indomptable ; l’estomac vide, entourés de ces spectacles de mort, ils allaient au combat avec la même ardeur qu’au premier jour du siège. Les Romains eux-mêmes étaient surpris de la constance héroïque des zélateurs, de leur dévouement inébranlable au sanctuaire et à la cause de leur peuple. Voyant ces guerriers, malgré les tortures de la faim, poursuivre la lutte avec un entrain toujours renaissant, ils considéraient les Judéens comme des êtres invincibles, doués d’une force d’âme à toute épreuve. Quelques-uns même d’entre eux allèrent jusqu’à déserter leurs drapeaux et abjurer leur foi pour embrasser le judaïsme. Eux aussi étaient convaincus que la cité sainte ne pouvait tomber au pouvoir de ses ennemis. Cette conversion spontanée et sincère de quelques Romains, en un moment si critique, remplit les Jérusalémites d’admiration ; et exténués eux-mêmes par la famine, ils eurent soin de pourvoir à l’entretien de ces néophytes.

Cependant les Romains avaient dressé leurs machines de siège contre les ouvrages extérieurs du temple, et, six jours durant (du 2 au 8 ab), ils battirent en brèche les murailles, sans pouvoir les ébranler. Alors Titus, renonçant désormais à épargner le temple, fit mettre le feu aux portes de l’enceinte extérieure ; l’incendie dura tout un jour et la nuit suivante. Ensuite Titus ordonna de l’éteindre et de rendre la voie libre pour l’attaque des légions. En même temps, il assembla un conseil de guerre pour délibérer sur le sort du sanctuaire. Ce conseil était composé des six principaux commandants : Tibère Alexandre, le commandant en chef ; Sextus Céréalis, que ses exploits en Judée avaient fait élever au commandement de la Ve